LE MANUEL D'EPICTETE
Traduction Mario Meunier
Chapitres III à V
III
 A propos de tout objet d'agrément, d'utilité ou d'affection, souviens-toi de te demander ce qu'il est,
à commencer par les plus insignifiants. Si tu aimes une marmite, dis-toi : « C'est une marmite que j'aime.» Car, si elle vient à se casser, tu n'en seras pas troublé.
Si tu embrasses ton enfant ou ta femme, dis-toi que c'est un être humain que tu embrasses; car, s'il meurt, tu n'en seras pas troublé.
IV
Lorsque tu dois entreprendre quelque chose, rappelle-toi ce qu'est la chose dont il s'agit. Si tu vas te baigner, représente-toi ce qui arrive au bain, les gens qui vous éclaboussent, qui vous bousculent, qui vous injurient, qui vous volent. Ainsi, tu seras plus sur de toi en allant baigner, si tu te dis aussitôt ·:  «  Je veux me baigner, mais je veux encore maintenir ma volonté dans un état conforme à la nature.» Et qu'il en soit ainsi pour toutes actions. De cette manière, s'il te survient au bain quelque traverse, tu auras aussitôt present à l'esprit : « Mais je ne voulais pas me baigner seulement, je voulais encore maintenir ma volonté dans un état conforme à la nature. Je ne la maintiendrais pas, si je m'irritais contre ce qui arrive.»
IV
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les Jugements qu'ils portent sur ces choses. Ainsi, la mort n'est rien de redoutable, puisque, même à Socrate, elle n'a point paru telle. Mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c'est 1à ce qui est redoutable. Lorsque donc nous sommes traversés, troublés, chagrinés, nous ne nous en prenons jamais à un autre, mais nous même, c'est à dire à nos jugements propres. Accuser les autres
ses malheurs est le fait d'un ignorant; s'en prendre à soi-même est d'un homme qui commence à s'instruire ; n'en accuser ni un autre ni; soi-même est d'un homme parfaitement instruit.
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