LE MANUEL D'EPICTETE
Traduction Mario Meunier
Chapitres IX à XIV
IX





 La maladie est une entrave pour le corps, mais non pour la volonté, si elle ne le veut. La claudication est une entrave pour les jambes, mais non pour la volonté.
Dis-toi de même à chaque accident, et tu trouveras que c'est une entrave pour quelque autre chose, mais non pour toi.

X

A chaque accident qui te survient, souviens-toi, en te repliant sur toi-même, de te demander quelle force tu possèdes pour en tirer usage. Si tu vois un bel homme ou une belle femme, tu trouveras une force contre leur séduction, la tempérance. S'il se pressente une fatigue, tu trouveras l'endurance; contre une injure, tu trouveras la patience. Et, si tu prends cette habitude les idées ne t'emporteront pas.
 
 

XI





Ne dis jamais de quoi que ce soit :  « Je l'ai perdu.mais : « Je l'ai rendu.»  Ton enfant est mort, il est
rendu. Ta femme est morte, elle est rendue. Mon bien m'a été ravi. Eh bien! Il est aussi rendu.«Mais le ravisseur est un scélérat.»  Que t'importe par qui celui qui te l'avait donné te l'ait réclamé? Tant qu'il te le laisse, jouis-en comme d'un bien étranger, comme les passants d'une hôtellerie.
 
 

XII





1.- Si tu veux progresser, rejette de telles réflexions
« Si je néglige mes biens, je n'aurai plus de quoi vivre.»
« Si je ne châtie point mon esclave, il deviendra pervers.»
Or, il vaut mieux mourir de faim, exempt de peine et de crainte, que de vivre dans l'abondance avec le trouble dans l'âme. Il vaut mieux aussi que ton esclave soit méchant, que toi malheureux.

2. - Commence donc par les petites choses on laisse couler ton huile, on vole ton vin ? Dis-toi : « C'est à ce prix que se vend l'impassibilité- à ce prix, le calme.»
Rien n'arrive gratis. Lorsque tu appelles ton esclave, pense qu'il peut ne pas avoir entendu, et que s'il a entendu, il peut ne rien faire de ce que tu veux mais dis-toi aussi qu'il n'est pas dans un si bel état
qu'il dépende de lui de te troubler.
 
 

XIII





Si tu veux progresser, résigne-toi, quant aux choses extérieures, quitte à passer pour un insensé et un sot. Ne tiens pas à paraître savoir; et, si tu parais être quelqu'un à quelques-uns, défie-toi de  toi-même. Sache, en effet qu'il n'est pas facile de garder sa volonté dans un état conforme à la nature et de se soucier des choses du dehors. Mais il est de toute nécessite qu'en s'occupant de l'un on doive négliger l'autre.
 
 

XIV





1.- Si tu veux que tes enfants, ta femme et tes amis vivent toujours, tu es un sot; tu veux, en effet, que ce qui ne dépend point de toi en dépende, et que est à autrui soit à toi. Ainsi, si tu veux que ton esclave ne commette aucune faute, tu es un fou, car tu veux  que le vice ne soit point vice, mais autre chose. Mais veux ne pas manquer d'obtenir cc que tu désires, tu le peux. Applique-toi donc à ce que tu peux.

2 - Le maître d'un homme, c'est celui qui a la puissance sur ce que veut ou ne veut pas cet homme,
pour le lui donner ou le lui ôter. Que celui donc qui veut être libre, n'ait ni attrait ni répulsion pour rien de ce qui dépend des autres ; sinon, il sera fatalement malheureux.
 

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