LA QUESTE DU SAINT GRAAL

Translatée des manuscrits du XIIIe siècle par

Albert PAUPHILET

Editions de la Sirène Paris 1923

LE MERVEILLEUX L'UNIVERSEL  LE ROI SALOMON et LA CHEVALLERIE "CELESTIELLE"  QUELQUES REFERENCES
LES SOURCES
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Après un long cheminement oral, la légende du Graal apparaît sous la forme écrite, ou plus exactement se détache d’un tissus de légendes auquel elle finira par donner son nom avec Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach, pour ne citer que deux des principaux auteurs. Elle poursuivra son cours avec des variantes dans toute l’Europe et l’un des derniers écrivains ayant produit «sa» légende est Thomas Mallory, mauvais garçon auquel la prison laissa les loisirs nécessaires.

Pourquoi reprendre la version tardive de Gauthier Map ?

Plusieurs raisons ont dicté ce choix :
 

  • 1 - Cette version est la plus compacte, tout en reprenant les passages qui nous paraissent essentiels.
  • 2 - L’adaptation de Pauphilet est d’une grande qualité littéraire, le livre se lit d’une traite.
  • 3 - A son époque la légende est pratiquement fixée.
  • 4 - L’édition d’Argences (postérieure) se prête bien à la reconnaissance électronique de caractères.
  • 5 - C'est cette version qui nous fit découvrir le Cycle du Graal, il y a un demi-siècle.

  • Il faut enfin rendre hommage à la liberté d’esprit de l’auteur, Gautier Map et au talent d'Albert Pauphilet sans qu'il soit besoin d'insister sur ce dernier point : le lecteur jugera.

    DEBUT
    Le merveilleux

    Avec cette légende nous entrons dans le monde du merveilleux, dont le fantastique qui sévit à notre époque n’est qu’une sinistre parodie. Il fut un temps où les légendes généraient l’histoire alors que de nos jours c’est l’histoire qui nourrit l’ «imaginaire» pour employer un mot à la mode. La légende nous invite à l’Universel. Restreinte à l'aspect le plus extérieur l’histoire pour autant qu’elle soit véridique, - elle est écrite par les vainqueurs - ne peut qu’épingler au mur les papillons morts alors que la légende nous les montre voltigeant dans la prairie.
     
     

    Le Héros est dans la légende, toujours libre et le monde qui l’entoure loin de le contraindre est le cadre dans lequel en exprimant sa liberté il nous montre la voie.

    Cette Voie dépasse les plans moraux et religieux, les conceptions morales et les religions sont adaptées a un «environnement» particulier qu’elles ont pour rôle de préserver. Elles ne peuvent de ce fait et malgré leurs déclarations atteindre à l'Universel.

    Le chevalier et le cheval.

    Il est des évidences qu'il faut parfois souligner : Le chevalier ne se conçoit pas sans le cheval, sa monture n'est pas seulement un moyen de transport et un compagnon de route, il symbolise les passions que l'homme doit dominer et qui aussi utiles à qui sait les contrôler que destructrices de ceux qui s’y abandonnent.

    DEBUT
    L'Universel

    C'est le but même de la quête, le reste n'est qu"éparpillement sur le bord du chemin".

    Dans le cycle arthurien qui s’est développé pendant tous le moyen-âge, nous trouvons des influences celtiques, ce qui n'a rien de surprenant étant donné le milieu dans lequel la légende a plongé ses racines. Etudier la double influence celtique et chrétienne, des Mabinogions d'une part et le l'évangile de Nicodème d'autre part nous entraînerait trop loin, même en nous en tenant au seul texte de Gauthier Map.
     
     

    L’origine de ses légendes dont Chrétien de Troyes fut le premier des grands diffuseurs, suivi de très près par un véritable chevalier, Wolfram von Eschenbach et de nombreux autres est sans doute antérieure aux invasions qui ont séparé la grande et la petite Bretagne. L’action se situe en effet principalement dans l’une ou l’autre partie du pays chez des rois dont l’autorité ne devait guère dépasser quelques villages, ce dont nous souririons à tort : La royauté n’est pas liée au nombre de sujets et l’on peut même affirmer avec les sages de l’ancienne Chine qu’elle est déjà complète chez celui qui est devenu roi de lui-même, ce qu’aucune investiture ne saurait donner.

    DEBUT
    Salomon et la chevalerie "célestielle".

    Il est un point qui semble-t-il est passé inaperçu : dans la plus chrétienne de nos légendes chevaleresques, il y est fait un saut en arrière d’un millénaire avant Jésus-Christ pour que la «Chevalerie celestielle» soit transmise par Salomon.

    Voici, très résumée la légende donnée page 74 de l'édition d'Argences du livre de Gauthier Map :

    Salomon fit faire trois fuseaux l’un blanc, le deuxième vert et le troisième rouge. Le bois venait de l’Arbre de Vie originellement blanc du Paradis terrestre, arbre qui eu des rejets verts quand Adam connut sa femme au sens biblique du terme et engendra Abel ; d’autres rejets rougirent lors du meurtre d’Abel. Salomon fut chargé de construire une nef et d’y déposer avec les fuseaux une épée qu’il fabriqua à partir de la lame de celle de David son père.

    Cette nef quitta la côte et vogua plus d'un millénaire, jusqu’à ce que Galaad emporté en haute mer avec Perceval, Bonhors et la soeur de ce dernier abordant une île déserte, gravissent l’escarpement qui leur faisait face et la découvrent dans un autre golfe.

    Vous l’avez deviné : au fond de ce golfe était accostée la nef portant l’épée aux étranges "renges" destinée depuis prés d’un millénaire avant l’ère chrétienne à Galaad, le pur chevalier d’une nouvelle lignée à qui Salomon savait déjà qu’elle était destinée.

    Dans les anciens textes français et dans le sacre des rois de France, David est à l’origine de la lignée, comme dans cette légende, puisque c’est la lame de son épée qui est remise à Galaad ; le rôle de Salomon est ici important comme réalisateur et transmetteur des projets de son père pour une chevalerie qui se développerait beaucoup plus tard et, dont il est le réalisateur en assemblant les éléments de l’épée avant de la transmettre comme il continuera à rassembler les matériaux avant d'entreprendre la construction du Temple qui porte son nom.

    Nous avons une légende chrétienne, la plus chrétienne de nos légendes, répandue dès son apparition écrite dans toute l’Europe encore qu’elle ait pris certaines libertés avec le clergé séculier en «court-circuitant» ce qui voulait être la seule voie vers le Christ, en se recommandant de personnages précisément peu recommandables aux yeux de l’Eglise comme le Marzin dont on fit Merlin, type qui se retrouve sous le nom de Maugis dans la légende des quatre fils Aymon où Renault de Montauban finit assassiné au marteau par de mauvais compagnons sur le chantier de la cathédrale de Cologne.

    Les fragments de l’arbre de vie (arbre de la vie et de la mort d’Abel) et l’épée qui donne naissance à la chevalerie "célestielle" sont directement transmis par Salomon, intermédiaire direct entre l’état adamique et la chevalerie arthurienne.

    Il faut ajouter, que dans le monde Celte, l’image de Salomon Archétype de la Sagesse et, comme son non l'indique, de la Paix fut telle que nous trouvons, pour ce qui nous est parvenu trois Salomon rois de Bretagne :

    Loth: Les Mabinogions, vol. 2, note p. 238 nous indique que Cadvalon élevé à la cour de son père avec Edwin de Northumbrie, puis chassé avec sa mère va parfaire son éducation chez Salomon en Armorique.

    Un Salomon 1er, roi en Bretagne Armoricaine et petit fils de Conan est antérieur (421).

    De même pour Salomon (vers 612)

    Par contre les dates coïncident pour Salomon III mort assassiné en 872 et qui serait devenu le Saint Salomon Breton (Larousse Grand Dictionnaire du XIX° siècle, Article Salomon).

    Faut- il dans un texte symbolique considérer que tout est symbole? Ce serait exagérer pour certains auteurs tel Rabelais, même pour Dante. La légende s’adapte à la couleur locale et change parfois les noms des personnages et des lieux: C’est un Salomon chrétien et monogame, dont la sagesse est insuffisante pour lutter contre les ruses et la perfidie de sa femme, quitte à les utiliser en cas de besoin qui nous est présenté. Pour qui est familiarisé avec les légendes arthuriennes ce couple ressemble étrangement à celui formé par Merlin et Viviane.

    Il faut insister sur le fait que la mise par écrit d’une légende est généralement très postérieure à son apparition et qu’elle en fixe plus souvent la mort que la naissance. En effet la fixité imposée par l’écrit n’en permet plus l’adaptation nécessaire à son efficacité.cC’est la raison pour laquelle les mythes qui mettent en scène les dieux, c’est à dire les états supérieurs de l’être et les légendes qui par l’exemple visent à faire de nous des héros sont d’une grande importance dans l'enseignement traditionnel.

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    QUELQUES REFERENCES

    Pour terminer et un peu en vrac quelques références. Il faut pour un travail plus étendu se reporter à la Bibliographie du Moyen-Age :
     

  • Hermann de Werden : Hortus Déliciarum Salomonis (voir Abbé Aubert, Histoire et théorie du symbolisme religieux, t.III 555-556)
  • Iconographie : Très riches heures du duc de Berri, Musée Condé à Chantilly.
  • L'image Jointe, (Graal.tif) est reprise d'après l'édition de 1923 du texte reproduit c'est un bois gravé des"Lunettes des Princes" de Jean Meschinot, Nantes, 1493 In-8e.
  • Jean Marx : La légende arthurienne du Graal, Paris P. U. F., 1952, p.177
  • Le texte de l’épée est repris sous une forme moderne qui le revivifie (pour ceux qui sont rebutés par les formes archaïques du langage) par: Xavier de Langlais: Le roman du roi Arthur. Piazza,1965, p. 179.
  • Un mauvais garçon sut mettre à profit ses séjours en prison entre 1461 et 1470 pour nous laisser une version (évidemment) pleine d’action : Sir Thomas Malory, Le Roman d’Arthur. Aubier 1948, p.161.
  • Un précurseur du renouveau arthurien : Hersart de la Villemarqué, Les Romans de la Table Ronde, Didier, 1850.
  • Il fut suivi par Joseph Bédier et Jacques Boulenger dont il est possible de consulter : Les Romans de la Table, tome 1, Plon, 30e éd, 1936, p.110), id. en 1 seul volume. Plon 1941, p. 68 & 363.
  • Dans un langage poétique délicat le petit livre d’un autre disciple de Joseph Bédier: Albert Pauphilet :
  • La Qeste du Saint Graal. La Sirène, 1923 et d’Argences 1946, p.79- C'est le texte qui est repris ici.
  • Les actes du colloque de Strasbourg, organisé par le C. N. R. S. en 1954, sont à signaler, ainsi qu’un petit ouvrage discuté et d’un grand intérêt : Pierre Ponsoye, L’Islam et le Graal, Denoël 1958

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    SOURCES

    Sur les sources de la légende il faut citer:
     

  • L’évangile apocryphe de Nicodème - Les Belles Lettres.
  • Loth: Les Mabinogions,. 2 volumes, Fontemoing 1913
  • La nef de Salomon n’est pas, sauf oubli de ma part mentionnée par Wolfram von Eschenbach, templier Souabe, contemporain de Chrétien, authentique chevalier comme il le dit lui même insistant sur le fait qu’il «ne sait ni lire ni écrire», ce qui doit - les deux volumes le prouvent abondamment - être compris de manière symbolique . (Page 101 du tome 1 de Parzifal. Aubier Montaigne 1977). Son oeuvre constitue à l’époque une preuve de la fraternité entre des chevaliers de différents pays et religions. Les sources de Wolfram, d’après lui différentes, prouvent simplement que la légende était très répandue à cette époque. Elle l’était à toute l’Europe d’après le Bulletin de l’Institut des Etudes Françaises Tome II, 1945 de la Faculté des Lettres de Coindra au Portugal. Les passages concernant Salomon chez Wolfram ne sont pas sans rappeler Mohidin ibn Arabi : La Sagesse des Prophètes. C’est toujours le même combat, la grande Guerre Sainte proposée aux hommes à travers le temps et l’espace et par delà les religions et les mentalités différentes: aux personnages de Salomon et de sa femme dans la légende christianisée, sont superposables Merlin et Viviane, probablement parce qu’ « il n’y a rien de nouveau sous le soleil» et que les formes particulières ne sont faites que pour être dépassées.
  • Lecture du texte de Gauthier Map dans la traduction d'Albert Pauphilet
    C. G. le 25 mars 1997
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