Translatée des manuscrits du XIIIe siècle par
Pourquoi reprendre la version tardive de Gauthier Map ?
Plusieurs raisons ont dicté ce choix :
Il faut enfin rendre hommage à la liberté d’esprit
de l’auteur, Gautier Map et au talent d'Albert Pauphilet sans qu'il soit
besoin d'insister sur ce dernier point : le lecteur jugera.
Avec cette légende nous entrons dans le monde du merveilleux,
dont le fantastique qui sévit à notre époque n’est
qu’une sinistre parodie. Il fut un temps où les légendes
généraient l’histoire alors que de nos jours c’est l’histoire
qui nourrit l’ «imaginaire» pour employer un mot à la
mode. La légende nous invite à l’Universel. Restreinte à
l'aspect le plus extérieur l’histoire pour autant qu’elle soit véridique,
- elle est écrite par les vainqueurs - ne peut qu’épingler
au mur les papillons morts alors que la légende nous les montre
voltigeant dans la prairie.
Le Héros est dans la légende, toujours libre et le monde qui l’entoure loin de le contraindre est le cadre dans lequel en exprimant sa liberté il nous montre la voie.
Cette Voie dépasse les plans moraux et religieux, les conceptions morales et les religions sont adaptées a un «environnement» particulier qu’elles ont pour rôle de préserver. Elles ne peuvent de ce fait et malgré leurs déclarations atteindre à l'Universel.
Le chevalier et le cheval.
Il est des évidences qu'il faut parfois souligner : Le chevalier ne se conçoit pas sans le cheval, sa monture n'est pas seulement un moyen de transport et un compagnon de route, il symbolise les passions que l'homme doit dominer et qui aussi utiles à qui sait les contrôler que destructrices de ceux qui s’y abandonnent.
L'UniverselC'est le but même de la quête, le reste n'est qu"éparpillement sur le bord du chemin".
Dans le cycle arthurien qui s’est développé pendant tous
le moyen-âge, nous trouvons des influences celtiques, ce qui n'a
rien de surprenant étant donné le milieu dans lequel la légende
a plongé ses racines. Etudier la double influence celtique et chrétienne,
des Mabinogions d'une part et le l'évangile de Nicodème d'autre
part nous entraînerait trop loin, même en nous en tenant au
seul texte de Gauthier Map.
L’origine de ses légendes dont Chrétien de Troyes fut le premier des grands diffuseurs, suivi de très près par un véritable chevalier, Wolfram von Eschenbach et de nombreux autres est sans doute antérieure aux invasions qui ont séparé la grande et la petite Bretagne. L’action se situe en effet principalement dans l’une ou l’autre partie du pays chez des rois dont l’autorité ne devait guère dépasser quelques villages, ce dont nous souririons à tort : La royauté n’est pas liée au nombre de sujets et l’on peut même affirmer avec les sages de l’ancienne Chine qu’elle est déjà complète chez celui qui est devenu roi de lui-même, ce qu’aucune investiture ne saurait donner.
Salomon et la chevalerie "célestielle".Il est un point qui semble-t-il est passé inaperçu : dans la plus chrétienne de nos légendes chevaleresques, il y est fait un saut en arrière d’un millénaire avant Jésus-Christ pour que la «Chevalerie celestielle» soit transmise par Salomon.
Voici, très résumée la légende donnée page 74 de l'édition d'Argences du livre de Gauthier Map :
Salomon fit faire trois fuseaux l’un blanc, le deuxième vert et le troisième rouge. Le bois venait de l’Arbre de Vie originellement blanc du Paradis terrestre, arbre qui eu des rejets verts quand Adam connut sa femme au sens biblique du terme et engendra Abel ; d’autres rejets rougirent lors du meurtre d’Abel. Salomon fut chargé de construire une nef et d’y déposer avec les fuseaux une épée qu’il fabriqua à partir de la lame de celle de David son père.
Cette nef quitta la côte et vogua plus d'un millénaire, jusqu’à ce que Galaad emporté en haute mer avec Perceval, Bonhors et la soeur de ce dernier abordant une île déserte, gravissent l’escarpement qui leur faisait face et la découvrent dans un autre golfe.
Vous l’avez deviné : au fond de ce golfe était accostée la nef portant l’épée aux étranges "renges" destinée depuis prés d’un millénaire avant l’ère chrétienne à Galaad, le pur chevalier d’une nouvelle lignée à qui Salomon savait déjà qu’elle était destinée.
Dans les anciens textes français et dans le sacre des rois de France, David est à l’origine de la lignée, comme dans cette légende, puisque c’est la lame de son épée qui est remise à Galaad ; le rôle de Salomon est ici important comme réalisateur et transmetteur des projets de son père pour une chevalerie qui se développerait beaucoup plus tard et, dont il est le réalisateur en assemblant les éléments de l’épée avant de la transmettre comme il continuera à rassembler les matériaux avant d'entreprendre la construction du Temple qui porte son nom.
Nous avons une légende chrétienne, la plus chrétienne de nos légendes, répandue dès son apparition écrite dans toute l’Europe encore qu’elle ait pris certaines libertés avec le clergé séculier en «court-circuitant» ce qui voulait être la seule voie vers le Christ, en se recommandant de personnages précisément peu recommandables aux yeux de l’Eglise comme le Marzin dont on fit Merlin, type qui se retrouve sous le nom de Maugis dans la légende des quatre fils Aymon où Renault de Montauban finit assassiné au marteau par de mauvais compagnons sur le chantier de la cathédrale de Cologne.
Les fragments de l’arbre de vie (arbre de la vie et de la mort d’Abel) et l’épée qui donne naissance à la chevalerie "célestielle" sont directement transmis par Salomon, intermédiaire direct entre l’état adamique et la chevalerie arthurienne.
Il faut ajouter, que dans le monde Celte, l’image de Salomon Archétype de la Sagesse et, comme son non l'indique, de la Paix fut telle que nous trouvons, pour ce qui nous est parvenu trois Salomon rois de Bretagne :
Loth: Les Mabinogions, vol. 2, note p. 238 nous indique que Cadvalon élevé à la cour de son père avec Edwin de Northumbrie, puis chassé avec sa mère va parfaire son éducation chez Salomon en Armorique.
Un Salomon 1er, roi en Bretagne Armoricaine et petit fils de Conan est antérieur (421).
De même pour Salomon (vers 612)
Par contre les dates coïncident pour Salomon III mort assassiné en 872 et qui serait devenu le Saint Salomon Breton (Larousse Grand Dictionnaire du XIX° siècle, Article Salomon).
Faut- il dans un texte symbolique considérer que tout est symbole? Ce serait exagérer pour certains auteurs tel Rabelais, même pour Dante. La légende s’adapte à la couleur locale et change parfois les noms des personnages et des lieux: C’est un Salomon chrétien et monogame, dont la sagesse est insuffisante pour lutter contre les ruses et la perfidie de sa femme, quitte à les utiliser en cas de besoin qui nous est présenté. Pour qui est familiarisé avec les légendes arthuriennes ce couple ressemble étrangement à celui formé par Merlin et Viviane.
Il faut insister sur le fait que la mise par écrit d’une légende est généralement très postérieure à son apparition et qu’elle en fixe plus souvent la mort que la naissance. En effet la fixité imposée par l’écrit n’en permet plus l’adaptation nécessaire à son efficacité.cC’est la raison pour laquelle les mythes qui mettent en scène les dieux, c’est à dire les états supérieurs de l’être et les légendes qui par l’exemple visent à faire de nous des héros sont d’une grande importance dans l'enseignement traditionnel.
Pour terminer et un peu en vrac quelques références. Il
faut pour un travail plus étendu se reporter à la Bibliographie
du Moyen-Age :
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Sur les sources de la légende il faut citer: