- Pour moi le symbolisme, c'est du chinois.
- Bravo ! vous avez tout compris.
En effet l'idéogramme chinois, représente
directement l'objet, ou comme son nom l'indique, l'idée. Il
est indépendant de l'expression orale et sera compris de ceux
qui en auront appris les règles même s'ils ignorent les
langues parlées dont il constitue l'écriture.
Un exemple, abréviation et non symbole : si j'écris
"douze", je serai compris par ceux qui pratiquent le français,
"XII" en chiffres romains aura, par contre, une signification,
indépendante de sa prononciation dans différentes
langues, elle sera comprise par tous les utilisateurs de l'alphabet
latin.
Le symbole n'est abréviation qu'au sens littéral.
Il est globalisant et ne saurait être réduit à
nos propres limites.
C'est une voie vers l'Universel, ,C'est la raison pour laquelle le
texte de Gabaon vous est proposé. Ecrit pour une étude
sur le « Bahir », on pourrait s’attendre à ce qu’il
ne traite qu’un aspect du symbole, le sujet s'y oppose !
Le constructeur, le danseur, le musicien le potier, tous
ceux qui par la pratiquent d'un métier et non un simple
emploi sont en contact avec la réalité, seront en
résonance avec le court texte qui suit. Ceux qui y
découvriront un aspect inconnu du monde, y trouveront une
clé pour appréhender l’inexprimable.
Lorsqu'on parle de la "claire lumière", il ne s'agit pas de la lumière physique, mais de ce qui lui correspond dans les mondes supérieurs et qu'on ne peut concevoir que par une transposition analogique. La lumière physique n'est qu'un symbole de cette Lumière supérieure où se tient le Saint, béni soit-Il. Etant donné que le Bahir va recourir constamment à la pensée symbolique, il est bon d'essayer dès à présent de cerner ce qu'est le symbole.
Le mot dérive du grec sumbolon, sumbolon, qui servait
à désigner une chose composée de deux parties.
Les sumbola, sumbola, représentaient en Grèce les deux
moitiés d'une tablette ou d'un objet quelconque qu'on avait
brisé lors d'un contrat et que chacun des deux contractants
conservait en souvenir de l'entente.
Les sumbola pouvaient également servir de signe de
reconnaissance entre deux individus par aboutement des deux
morceaux.
Le verbe sumballein, sumballein, signifie réunir, rassembler,
et dérive de bolein , bolein, lancer, car sumballein avait
primitivement le sens de lancer ensemble. De ce point de vue, son
antonyme, diaballein, diaballein, origine de notre mot diable,
signifie lancer en travers, séparer.
Ce que nous apprend cette étymologie
L'essentiel de la nature du symbole se déduit de cette
étymologie.
Le symbole, trace d'une Unité perdue, est le souvenir d'une
ancienne alliance avec les réalités supérieures
et divines. Et comme tout ce qui est s'englobait primitivement dans
cette Unité, tout existant, de ce monde ou des autres, peut se
concevoir comme l'une des deux parties d'une réalité
totale, à la condition toutefois de ne point considérer
ces parties comme égales, celle qui est cachée
étant sans commune mesure avec celle qui se montre. Ainsi, les
existants vivent dans la coupure (la lumière physique est
séparée de la "claire Lumière"). Mais en
même temps, comme symboles, ils rappellent ce qui se trouve de
l'autre côté de la ligne de démarcation (la
Lumière supérieure fait l'objet d'une
réminiscence que provoque la lumière physique). De ce
point de vue, la fonction du symbole est moins de montrer une chose
dans sa réalité tronquée que de
référer à cela seul qui la rétablirait
dans sa complétude si la coupure venait à s'effacer. En
somme, les symboles ont même statut que les mots qui signifient
plus qu'ils n'attirent sur eux-mêmes l'attention.
Et, parce que le profane ne considère pas ainsi les choses,
mais s'arrête seulement à ce qu'elles sont en
elles-mêmes, sans égard à la
réalité cachée qu'elles désignent, pour
cette raison, les symboles ont toujours servi de signes de
reconnaissance entre les initiés.
Enfin, le symbole est ce qui permet de relier les choses d'en bas
à celles d'en haut et tout ensemble d'unir le méditant
à son Principe divin. A cet égard, le symbolisme est
l'antithèse de tout ce qui sépare, depuis la
pensée analytique et conceptuelle qui ne cesse de dresser des
frontières entre les choses jusqu'à la force
descendante, le Diable, qui sépare les hypostases du Principe
Suprême.
Le fondement métaphysique du symbole
A ces remarques tirées de l'étymologie, il convient
d'en ajouter une autre, tirée cette fois de la
métaphysique.
Si une chose en symbolise une autre, ce n'est point en vertu d'une
convention ou simplement parce que la nature humaine est faite en
telle sorte qu'elle conduit à élire telle chose comme
symbole de telle autre , mais parce que toutes choses dérivent
de réalités non humaines, à savoir les Principes
supérieurs; en portent en conséquence la signature; et
par là les exprime.
L'immémoriale antiquité des symboles
De là vient que, chaque fois que l'on tente de situer l'apparition d'un symbole dans l'histoire, on constate qu'il est impossible de lui fixer une origine spatiale ou temporelle déterminée. Car ce qui ici fait signe, c'est en réalité l'origine non humaine du symbole. Par exemple, la Croix n'a pas commencé d'être un symbole avec le christianisme, comme on le croit ordinairement, mais se rencontre partout, aux époques les plus reculées et avec même signification: celle d'une domination sur ce monde (branche horizontale) et sur tous les autres (branche verticale). De la sorte, il faut dire, non pas que la Croix est symbole parce que le Christ fut crucifié, mais bien plutôt qu'il est mort sur la Croix parce qu'elle est un symbole.
La pluralité des sens attachés au symbole
Ayant leur source première en la Divinité Infinie, les symboles comportent un nombre illimité de significations. Et, en premier lieu, celles-ci s'étagent selon un axe vertical qui va du symbole lui-même au Principe Suprême en passant par toutes les stations intermédiaires, sans pour autant que ces sens superposés se contredisent; car, tout au contraire, ils se complètent et s'harmonisent. En second lieu, ces significations s'étalent selon un axe horizontal, ce qui signifie qu'en ce monde chaque catégorie d'existants est, de proche en proche, en relation de correspondance avec toutes les autres. Enfin, ces significations réfèrent également aux réalités des mondes inférieurs qui, eux aussi, ont leur origine dans le Dieu unique.
De ce que les symboles peuvent référer aussi bien aux réalités supérieures qu'aux réalités inférieures, il suit qu'ils comportent toujours un double aspect, lumineux et ténébreux, positif et négatif. Ainsi de la Nuit, symbole des maléfices, mais aussi de l'Indifférenciation principielle; du nombre apocalyptique 666, à la fois nombre de la Bête et nombre solaire; du Lion, emblème de l'Antéchrist et du Messie tout ensemble; du serpent qui se manifeste tantôt comme démon tentateur, tantôt comme gardien de cette Connaissance supérieure que représentent les pommes d'or du jardin des Hespérides ou la toison d'or sur le hêtre de la forêt de Colchide. Il arrive que les deux sens, bénéfique et maléfique, du symbole soient figurés ensemble: tel est le cas du caducée, du bâton brâhmanique et aussi du serpent Shêsha ou Ananta, qui entoure le Mêru, la montagne polaire, et que tirent en sens contraires les Dêvas et les Asuras, les Anges et les Titans.
Le symbole comme instrument de réalisation
Parce que le symbole condense en lui un nombre illimité de
significations, il est par excellence le support de toute
pensée effectivement synthétique et l'instrument de
ceux qui travaillent sur eux-mêmes à effacer la coupure
qui les sépare de ce monde-ci, des autres et de la
Divinité Elle-même.
Parce que le symbole reflète, parmi les réalités
supérieures, celles qui, en vertu de leur transcendance, ne
peuvent être imaginées, conçues ni
représentées en toute autre manière, il est seul
à pouvoir réveiller l'Intellect, l'organe de
l'intelligence des choses divines.