LAO TSEU

 

LE LIVRE DU TAO ET DE SA VERTU

TAO TE KING

LE TEXTE RETOUR à COSMOS   RETOUR à VIOLA TRICOLOR
Son texte d’accompagnement est reproduit ci-dessous en italiques.

L'ami Roger m'a devancé... J'avais choisi la traduction de Matgoiï (Albert de Pouvourville) avec laquelle je fis connaissance de ce texte, dont il faut bien dire qu'il est intraduisible, alors que le sens littéral est sans doute respecté par les sinologues dans la mesure du possible, avec sa mise sous forme alphabétique.

Ce qui est intraduisible la spécificité culturelle et l'emploi constant du le paradoxe, méthode, que les occidentaux n'ignorent pas tous et qui oblige à réflechir sur la réflexion, peut être pour faire saisir que la simplicité est le sceau de la Vérité ?

Sur les termes employés, nous rencontrons souvent le "Saint-Homme", que l'on pourrait sans nul doute aussi bien traduire par homme sain. L'hébreu nous offre un exmple avec le mot "Kadosch" , traduit couramment par saint et dont le sens est sain, sans défaut avec la notion de tri, mais ....laissons le lecteur à ses propres réflexions.

G. G. le 4 mai 1997

 
 
 

Le TAO TE KING ( Livre de la Voie et de sa vertu) est sans contredit un des textes les plus importants de l'Humanité, au même titre que La Bible, le Coran ou les Védas. Il aurait été écrit par Lao Tseu au VIème siècle avant J.C.

Il existe un bon nombre de traductions françaises du Tao Te King. Personnellement, j'en connais au moins cinq dont celle, entre autres, du Père Léon WIEGER S.J. dans son ouvrage " Les Pères du Système Taoïste ", une autre présentée par ETIEMBLE (en collection de poche), et deux autres dont j'ai oublié les auteurs.

Celle que je vous propose ici, publiée en 1969 aux éditions DERVY, par un auteur anonyme, qui a eu la grande humilité - cela mérite d'être remarqué - de s'effacer derrière la haute personnalité de Lao Tseu.

N'ayant personnellement pas la moindre notion de la langue chinoise, je ne suis pas apte à dire si cette traduction est la plus fidèle à l'original. Mais si je l'ai choisie c'est d'abord pour rendre hommage à la discrétion du traducteur et c'est aussi parce qu'elle s'accompagne d'une importante collection de notes et de commentaires où l'on trouve d'intéressants parallèles avec les traditions occidentales.

Donc, si vous avez aimé le texte de la traduction, précipitez vous sur le livre ( espérons qu'il n'est pas épuisé) pour lire les commentaires.
 
 

Ayant réalisé ce travail pour mon plaisir personnel et aussi pour faire connaître ce texte important je n'entends pas en tirer un quelconque avantage pécuniaire. Si vous l'avez aimé et désirez m'en remercier, vous pouvez faire une offrande a l'Association Druk Toupten Tcheukhor Ling.

CENTRE D'ETUDES BOUDDHIQUES

Bel Avenir

56770 - PLOURAY
 
 

QUI ETAIT LAO TSEU ?

On sait fort peu de chose de LAO TSEU.

La courte biographie. que donne de 1ui Seu Ma Tsyeng dans ses mémoires historiques, parus vers 1'an 99 avant J.-C., est le document le plus ancien qui contienne sur sa vie quelques renseignements dont rien ne permet d'ai11eurs d'affirmer la parfaite authenticité..

I1 serait né en l'an 570 avant J.-C., au village de Haï dans le royaume de Tch'en. I1 était de famille noble, celle des Lao Che, Che étant le nom de sa race. Son nom patronymique était LI, son prénom EUL.

En 581 après J.-C l'Empereur Tsing ordonna de lui rendre les mêmes honneurs qu'à BOUDDHA. On lui donna le nom de YUEN HOANG TI,»Maître souverain de l'obscurité». Mais il fut surtout connu sous le nom de LAO TSEU, c'est-à-dire»le Vieux Maître»«le Vieux Docteur»où vieux est pris dans le sens de vénérable.

LAO TSEU fut archiviste de la cour des Tchéou. Voyant que leur puissance était sur son déclin, las du désordre de l'Empire, il prit la résolution de s'éloigner pour n'être pas témoin de leur chute. Nous ignorons quand et ou il mourut.»Ayant aimé l'obscurité pardessus tout, dit SE: MA TSHYENG, cet homme effaça délibérément la trace de sa vie". Mais qu'importe la trame de son existence ! Génie original, ne relevant que de la grande et antique tradition, LAO TSEU appartient à 1a lignée des missionnés, dont la pensée et la sagesse sont sur la terre un reflet de la lumière divine, et qui ont atteint l'immortalité

Le même mystère, qui entoure sa personne et sa vie, et pour les mêmes raisons, enveloppe son œuvre condensée dans un seul livre. La plupart de ses biographes répètent, à ce sujet, à peu près dans les mêmes termes, une anecdote suivant laquelle, en quittant la Chine et sur le point de traverser la Grande Muraille, il aurait été prie, par l'officier gardien de la passe de l'Ouest, YIN HI, d’écrire pour lui un résumé de sa doctrine. C'est dans ces conditions que le TAO TE KING aurait vu le jour.

Cette anecdote fait partie de la légende rédigée par KO HONG vers l'an 530 après J.C. et incluse dans son ouvrage intitulé»Histoire des dieux et des immortels". Est-elle mieux fondée que les autres faits relatés dans ce récit fabuleux ? Nul ne peut le dire. Quoi qu'il en soit, la tradition affirme formellement que le TAO TE KING est de la main de LAO TSEU et, d'après le savant Père WIEGER tout porte à croire que la tradition a raison.
 
 

LE TEXTE



 
 

TAO TE KING

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 IIIIIIVVVIVII VIIIIXXXIXII XIIIXIVXV XVIXVII XVIIIXIXXX XXIXXII XXIIIXXIVXXVXXVI XXVIIXXVIIIXXIXXXX XXXIXXXIIXXXIIIXXXIV XXXVXXXVIXXXVIIXXXVIII XXXIXXXXXXXXXI à LXXXI

I

I - 1 Une voie qui peut être tracée, n'est pas la voie éternelle: le Tao. Le

nom qui peut être prononcé,, n'est pas le nom éternel
 

I - 2 - Sans nom, il est a l'origine du ciel et de la terre. Avec un nom, il est

la Mère des dix mille êtres
 

I - 3 - .Ainsi, un Non-Dèsir éternel représente, son essence, et par un Désir

éternel il manifeste une limite
 

I - 4 - Ces deux états coexistent inséparables, et diffèrent seulement de nom.

Pensés ensemble: mystère! le Mystère des mystères'. C'est la Porte de toutes

les essences
 

II

II - 1 -.Tous sous le Ciel, connaissant le beau comme le beau: voici le laid!

Tous connaissant le bien comme le bien: voici le mal! C'est ainsi que l'être

et le non-être naissent l'un de l'autre, que le difficile et le facile

s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement le long et le court se

délimitent, le haut et le basse règlent, le ton et le son s'accordent, l'avant

et l'après s'enchaînent.
 

II-2 - C'est pourquoi le Saint-Homme s'en tient à la pratique du Non-agir. Il

enseigne sans parler. Tous les êtres agissent, et il ne leur refuse pas son

aide. Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit

des oeuvres méritoires sans s' attacher, et, justement parce qu'il ne s'y

attache pas, elles subsistent.
 

III
 

III-1 Il ne faut pas glorifier les hommes de valeur, pour que le peuple ne

dispute pas; ni estimer les biens difficiles à acquérir, pour qu'il ne vole

pas; ni ,étaler ce qui excite la convoitise, pour que son coeur ne soit pas

troublé,.
 

III-2 C'est pourquoi le Saint-Homme a pour règle :faire le vide dans le

coeur, emplir le ventre, affaiblir la volonté, fortifier les os, faire

constamment en sorte que le peuple soit sans savoir et sans désirs, et que

ceux qui savent n'osent pas agir.
 

III-3 - Il pratique le Non-agir et il n'est rien alors, qui ne soit bien

dirigé, certes.
 

IV

IV-1 - Le Tao est vide mais il est inépuisable. Quel abîme
 

IV-2 - Il apparaît comme l'ancêtre des dix mille êtres. il émousse son

activité, dénoue ses voiles, harmonie sa splendeur, s'unit à sa poussière; Oh!

Qu'il est pur.
 

IV-3 - Il semble subsister de toute éternité. Je ne sais de qui il pourrait

être le fils; il paraît antérieur au Souverain du Ciel;
 

V
 

V-1 - Le Ciel et la Terre ne sont pas humains; pour eux, tous les êtres sont

comme le chien de paille. Le Saint-Homme n'a pas de prédilection; pour lui les

Cent Familles sont comme chien de paille.
 

V-2 - Entre le Ciel et la Terre, il est semblable à un soufflet de forge vide,

mais inépuisable, dont le mouvement produit un souffle croissant.
 

V-3 - Parler beaucoup épuise sans cesse; mieux vaut garder le Milieu.
 

VI
 

VI-1 - L'Esprit des profondeurs est impérissable; on l'appelle la Femelle

mystérieuse.
 

VI-2 - La porte de la femelle mystérieuse est nommée la Racine du Ciel et de

la Terre. Elle dure perpétuellement, et se dépense sans s'user.
 

VII
 

VII - 1 Le Ciel et la Terre durent toujours. S'ils durent toujours c'est

parce qu'ils ne vivent pas pour eux-mêmes. Voilà ce qui leur permet de durer

indéfiniment.
 

VII-2 - C'est pourquoi se mettant à la dernière place, le Saint-Homme se

trouve à la première; oubliant sa personne il la conserve. Parce qu'il ne

poursuit pas des buts égoïstes, il réalise à la perfection ce qu'il

entreprend.
 

VIII
 

VIII-1 - La suprême Vertu est comme l'eau. L'eau et la Vertu sont

bienfaisantes pour les dix mille êtres et ne luttent pas. Elles occupent les

places que les hommes détestent. C'est pourquoi elles sont comparables au Tao.
 

VIII-2 - Dans toute situation, la Vertu est humilité; dans le coeur elle est

profondeur insondable; dans l'assistance elle est Amour; dans la parole

sincérité. Dans le gouvernement, elle est ordre et droiture; dans l'action

elle est capacité, et elle se meut avec opportunité.
 

VIII-3 - mais elle ne lutte pas; c'est pourquoi elle est irréprochable.
 

IX
 

Tao IX-1 - Conserver plein ce qui va déborder, mieux vaut y renoncer. Un

tranchant trop aiguisé ne peut rester longtemps affilé. Une salle remplie d'or

ne peut être gardée.
 

Tao IX-2 - S'enorgueillir parce que l'on est comblé de richesse et d'honneurs,

attire sur soi l'infortune. Lorsque l'oeuvre utile est accomplie et que point

la renommée, que la personne s'efface: c'est la Voie du Ciel.
 

X
 

X-1 - Maintenir le corps et l'âme sensitive dans l'unité, pour qu'ils ne

puissent se séparer; contenir la force vitale et la rendre docile, afin de

devenir comme le nouveau-né; se purifier en s'abstenant de scruter les

mystères, pour rester sain; aimer le peuple afin de pouvoir gouverner sans

agir; que les Portes du Ciel s'ouvrent ou se ferment, pouvoir être comme la

femelle; étant inondé de lumière de tous cotés, pouvoir être ignorant; donner

la vie, l'entretenir, produire sans s'approprier; agir sans rien escompter;

diriger sans asservir. Telle est la Vertu merveilleuse.
 

XI
 

XI-1 - Trente rayons convergents, réunis au moyeu, forment une roue; mais

c'est son vide central qui permet l'utilisation du char. Les vases sont faits

d'argile, mais c'est grâce à leur vide que l'on peut s'en servir. Une maison

est percée de portes et de fenêtres, et c'est leur vide qui les rend

habitable.
 

XI-2 - Ainsi l'être produit l'utile; mais c'est le non-être qui le rend

efficace
 

XII
 

XII-1 - Les cinq couleurs rendent les yeux de l'homme aveugle, les cinq sons

rendent ses oreilles sourdes, les cinq saveur rendent sa bouche inapte à

savourer. Les courses violentes et le galop des chasses déchaînent dans son

coeur de furieuses passions. Les biens difficiles à acquérir font qu'il se

heurte à de dangereux obstacles.
 

XII-2 - C'est pourquoi le Saint-Homme s'occupe de l'intérieur et non des sens.

Il rejette ceci et adopte cela;
 

XIII
 

XIII-1 - Faveur et disgrâce vont avec la crainte. Honneur et tribulations vont

avec la personne. Pourquoi dit-on que faveur et disgrâce vont avec la crainte?

La faveur élève, la disgrâce abaisse. Obtient-on la faveur on est dans la

crainte; la perd-on, on est encore dans la crainte. Tel est le sens de: faveur

et disgrâce vont avec la crainte.
 

XIII-2 - Pourquoi dit-on: honneurs et tribulations vont avec la personne? Le

moi est ce par quoi on a des tribulations. C'est parce que nous avons une

individualité quelles nous frappent. Si nous n'avions pas d'individualité,

quels malheurs pourraient nous atteindre?
 

XIII-3 - C'est pourquoi celui pour qui l'Empire est aussi précieux que sa

propre personne peut l'obtenir; celui qui l'aime autant que lui-même est digne

de le diriger.
 

XIV
 

XIV-1 - Regardant, on ne le voit pas, on le nomme l'Invisible; écoutant, on ne

l'entend pas, on le nomme l'Inaudible. Touchant, on ne le sent pas, on le

nomme l'Impalpable. Ce que sont ces trois attributs, il est impossible de le

préciser; c'est pourquoi on les confond, car il ne font qu'un.
 

XIV-2 - En haut, il n'est pas éclairé; en bas il n'est pas obscure. Il est

éternel. Il est sans non. Son origine est là où n'existe aucun être. On peut

dire qu'il est forme sans forme, figure sans figure; c'est l'Indéterminé.

Allant à sa rencontre on ne voit pas sa face; le suivant , on ne voit pas son

dos.
 

XIV-3 - C'est en observant l'antique Tao que l'on peut régler l'existence

actuelle. Pouvoir connaître le commencement du passé, c'est tenir le fil du

Tao.
 

XV
 

XV-1 - Les sages parfaits de l'Antiquité étaient insaisissables, surnaturels,

mystérieux, pénétrants, si profonds qu'on ne pouvait les connaître. Comme on

ne pouvait les connaître on ne peut tenter de les dépeindre.
 

XV-2 - Ils étaient attentifs! comme celui qui traverse un cours d'eau en

hiver; prudents! comme celui qui craint ses voisins; réservés! comme celui qui
 

reçoit l'hospitalité; effacés! comme la glace fondante; vides! comme la

vallée; troubles! comme l'eau limoneuse.
 

XV-3 - Qui peut, par le calme, clarifier peu à peu ce qui est impur? Qui peut,

peu à peu, naître au calme et s'y maintenir toujours? Celui qui garde le Tao.

Il ne désir pas être plein, mais vide. C'est pourquoi il peut paraître

méprisable et dépourvu de perfection temporelle.
 

XVI
 

XVI - 1 - Atteindre le Vide parfait, c'est se fixer fermement dans le repos.
 

XVI - 2 - Les dix mille êtres paraissent ensemble et je les vois s'en

retourner. Ils prolifèrent vigoureusement, puis chacun revient son origine. Le

retour à l'origine, c'est le Repos. Le Repos, c'est le renouvellement de la

destinée. Renouveler la destinée, c'est la loi éternelle. Connaître la loi

éternelle, c'est être éclairé; l'ignorer est un aveuglement qui rend

malheureux.
 

XVI - 3 - Connaître la loi éternelle rend magnanime; celui qui est magnanime

est roi; roi, il est comme le Ciel; semblable au Ciel, il est uni au Tao, il

dure toujours. Que sa personne disparaisse, il n'y a plus de péril.
 

XVII
 

XVII - 1 - Les Grands Souverains de jadis, le peuple savait qu'ils existaient.

Ceux qui vinrent ensuite il les aima, les honora: puis il les craignit, et

enfin les méprisa. Quand la confiances est limitée, il n'y a pas de confiance.
 

XVII - 2 - Les premiers étaient graves, réservés dans leurs paroles. Les

oeuvres méritoires se multipliaient, les entreprises prospéraient. Dans les

Cents Familles, tous disaient: "C'est grâce à nous qu'il en est ainsi."
 

XVIII
 

XVIII - 1 - Quand le grand Tao fut délaissé, il y eut l'humanité, la justice.

Puis la Sagesse, la prudence parurent, et l'hypocrisie fut générale.
 

XVIII - 2 - Dans la famille, les membres se méconnurent; il y eut l'affection

des parents, la piété filiale.
 

XVIII - 3 - Les Etats souffrirent de la corruption, du désordre; il y eut des

fonctionnaires fidèles.
 

XIX
 

XIX - 1 - Renoncez à la sagesse, abandonnez la prudence, ce sera cent fois

plus profitable au peuple. Renoncez à l'humanité, rejetez la justice, et le

peuple reviendra à l'amour filial et à l'affection paternelle. Renoncez à

l'habileté, abandonnez le profit, et il n'y aura plus de voleurs ni de

bandits.
 

XIX - 2 - Ces qualités, étant des apparences, ne sauraient suffire. C'est

pourquoi il faut tâcher de se montrer simple, rester naturel, réduire

l'égoïsme, avoir peu de désirs.
 

XX
 

XX - 1 - Renoncer à l'étude délivre de l'inquiétude. Entre acquiescer et

consentir la nuance est bien petite; mais combien diffèrent le bien et le mal
 

XX - 2 - Ce que les hommes redoutent, on ne peut pas ne pas le craindre, mais

pas au point d'en être troublé, anéanti.
 

XX - 3 - Tous les hommes sont pleins d'ardeur, exaltés comme pour un festin,

semblables à ceux qui font une ascension au printemps. Mois seul suis calme,

sans réactions, comme le nouveau-né qui n'a pas encore souri, errant sans

dessein, sans but!
 

XX -4 - Les autres hommes ont tous du superflu; moi seul suis un déshérité,

mon coeur est celui d'un simple d'esprit, trouble! confus! L'homme de la foule

est éclairé; moi seul suis plongé dans la pénombre. L'homme de la foule est

précis, perspicace; seul je suis replié sur moi-même, mouvant comme la mer,

flottant sans arrêt. La multitude des hommes se rend utile; moi seul suis

inapte, semblable un paria.
 

XX - 5 - Moi seul diffère des autres hommes parce que je vénère la Mère

nourricière.
 

XXI
 

XXI - 1 - Ce qui contient la Grande Vertu procède du Tao. Quelle est la nature

du Tao: il est confus, indiscernable. Oh! Qu'il est confus, qu'il est

indiscernable En lui il y a des formes indistinctes, indéterminées. En lui, il

y a des êtres. Quel abîme! quelle obscurité! en lui il y a une essence

spirituelle: son essence, absolue vérité! En lui est son propre témoignage.

Depuis l'antiquité jusqu'à présent, son nom n'a point passé. De lui sortent

les propriétés de tout ce qui est.
 

XXI - 2 - Comment sais - je que telle est l'origine de tout ce qui est, Par

cela.
 

XXII
 

XXII - 1 - L'incomplet sera complété, le courbe redressé, le creux rempli,

l'usé renouvelé, l'insuffisant augmenté, l'excès dissipé.
 

XXII - 2 - C'est pourquoi le Saint-Homme, embrassant l'Unité est le modèle du

Monde. Parce qu'il e se met pas en évidence, il brille; parce qu'il n'est pas

personnel, il s'impose; parce qu'il ne se vante pas , il a du mérite; parce

qu'il n'est pas orgueilleux, il ne cesse de croître; parce qu'il ne lutte pas,

personne au monde ne peut s'opposer à lui.

XXII - 3 - Cette sentence des anciens: ce qui est incomplet sera complété,

est-elle une parole vaine?
 

XXII - 4 - Tout retourne à la parfaite intégrité.
 

XXIII
 

XXIII -1 - Parler peu pour rester soi.
 

XXIII - 2 - Un ouragan ne dure pas toute une matinée, ni une pluie

torrentielle tout un jour. Or, qui fait cela, le ciel et la terre. Si le Ciel

et la Terre ne peuvent faire durer ce qui est excessif, comment l'homme le

pourrait-il?
 
 

XXIII - 3 - C'est pourquoi celui qui en toutes choses suit le Tao, règle ses

principes sur le Tao, identifie sa volonté et ses actions avec la volonté et

l'action du Tao, conforme également ses non-interventions au Non-agir du Tao.

E parce qu'il aspire à l'Union Suprême, le Tao l'accueille avec joie. Aussi sa

conduite, ses projets, ses oeuvres ou ses abstentions ont-ils d'heureux

résultats.
 

XXIII - 3 - Quand la foi n'est pas totale, ce n'est pas la vraie foi.
 

XXIV
 

XXIV - 1 - Celui qui se dresse sur la pointe des pieds ne peut se tenir

debout. Celui qui étend les jambes ne peut marcher. Celui qui se met en vue

reste obscur; celui qui est satisfait de lui n'est pas estimé; celui qui se

glorifie est sans mérite; celui qui est orgueilleux cesse de croître. Par

rapport au Tao, ces façons d'agir sont comme des vomissures et des tumeurs qui

répugnent aux êtres.
 

XXIV - 2 - C'est pourquoi celui qui a le Tao ne suit pas cette voie.
 

XXV
 

XXV -.1 - Il est un être indéterminé dans sa perfection, qui était avant le

ciel et la terre, impassible, immatériel! Il subsiste, unique, immuable,

omniprésent, impérissable. On peut le considérer comme étant la Mère de

l'Univers. Ne connaissant pas son nom, je le désigne par le mot Tao.
 

XXV - 2 - En s'efforçant de le qualifier, on pourrait dire qu'il est grand,

qu'étant grand il fuit, que fuyant il s'éloigne, qu'éloigné il revient.
 

XXV - 3 - Ainsi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande, le

roi aussi est grand. Dans le monde il y a quatre grandes choses, et le roi

n'en est-il pas une?
 

XXV - 4 - L'homme se règle sur la terre, la terre se règle sur le ciel, le

ciel se règle sur le Tao. Le Tao n'a d'autre loi que lui-même.
 

XXVI
 

XXVI - 1 - Le lourd est la racine du léger; le repos est le maître du

mouvement. C'est pourquoi le prince sage va de l'aube au soir, sans se

départir d'une sereine gravité. Bien qu'il possède gloire et honneur, il

s'applique à s'en détacher.
 

XXVI - 2 - Pourquoi, hélas! les maîtres aux dix mille chars attachent-ils plus

d'importance à leur personne qu'à l'Empire? Insouciants, ils perdent leurs

conseillers; violents, ils perdent leur trône.
 

XXVII
 

XXVII - 1 - Qui marche bien ne laisse pas de traces; qui parle bien ne commet

pas de fautes; qui calcule bien n'a pas besoin de boulier; qui sait bien

garder ferme sans verrou, et personne ne peut ouvrir; qui sait bien lier ne se

sert pas de liens, et personne ne peut délier.
 

XXVII - 2 - C'est pourquoi le Saint-Homme excelle constamment à secourir les

hommes, et ne repousse personne. Il aide tous les êtres et n'en délaisse

aucun.. En quoi il est doublement éclairé.
 

XXVII - 3 - Aussi l'homme vraiment vertueux est un maître pour celui qui n'est

pas vertueux; par contre le vulgaire est utile au Sage. Ne pas vénérer son

maître, ne pas aimer celui qui nous rend service, serait-on réputé, sage, est

un grand égarement.
 

XXVII - 4 - Voila une vérité essentielle et profonde.
 

XXVIII
 

XXVIII - 1 - Celui qui connaît sa force et garde sa douceur est la vallée de

l'Empire. Etant la vallée de l'empire, la vertu éternelle ne l'abandonne pas;

il redevient comme un petit enfant.
 

XXVIII - 2 - Celui qui connaît sa lumière et garde son obscurité est le modèle

de l'Empire. Etant le modèle de l'Empire, la Vertu éternelle ne vacille pas en

lui; il revient à l'Illimité.
 

XXVIII - 3 - Celui qui connaît sa gloire et reste dans son opprobre devient la

vallée du Monde. Etant la Vallée du Monde la Vertu éternelle le comble et il

revient à la Simplicité originelle. C'est cette simplicité qui, en se

divisant, a formé toutes choses.
 

XXVIII - 4 - Le Saint-Homme ne fait rien sans elle. Modèle des Maîtres, il

dirige avec noblesse et ne lèse personne.
 

XXIX
 

XXIX - 1 - Celui qui voudrait obtenir l'Empire pour le façonner, je vois qu'il

n'y réussirait pas. L'Empire étant une réalité spirituelle , on ne peut le

modeler. Ceux qui veulent le façonner le ruinent; ceux qui veulent le saisir

le perdent.
 

XXIX - 2 - En effet, parmi les êtres, les un vont de l'avant, d'autres

suivent; certains aspirent, d'autres soufflent; certains sont vigoureux

d'autres débiles; les uns détruisent, les autres consolident.
 

XXIX - 3 - C'est pourquoi le Saint-Homme proscrit seulement les excès dans la

jouissance, l'ambition et le luxe.
 

XXX
 

XXX - 1 - Celui qui seconde le Souverain en suivant le Tao ne se sert pas des

armes pour subjuguer l'Empire, car quoi qu'on fasse aux hommes, ils aiment à

rendre la pareille. Là où campent les armées, poussent les ajoncs et les

ronces; après les grandes guerres viennent les années de disette.
 

XXX - 2 - C'est pourquoi celui qui est vertueux atteint son but sans se

permettre de rien prendre par la force. Il réussit sans faire souffrir, sans

détruire, sans s'enorgueillir, sans exploiter son succès, puis s'arrête. Il a

vaincu sans violence.
 

XXX;- 3 - Quand les êtres usent de la force ils vieillissent, car cela est

opposé au Tao, et ce qui est opposé au Tao, périt prématurément.
 

XXXI
 

XXXI - 1 - Les armes les plus belles sont des engins de malheur; tous les

êtres les ont en horreur. Celui qui a le Tao ne s'y complaît pas
 

XXXI - 2 - En temps de paix, la place d'honneur est à la gauche du prince

sage; en temps de guerre, elle est à sa droite
 

XXXI - 3 - Les armes sont des engins de malheur, ce ne sont pas les

instruments du prince sage. Il ne peut en être dépourvu en vue d'une nécessité

éventuelle; mais il place bien au dessus le calme et la Paix.
 

XXXI - 4 - Une victoire n'est pas un bien; celui qui la considérerait comme un

bien prendrait plaisir à tuer les hommes. Or, celui qui prend plaisir à tuer

les hommes ne peut réussir à bien diriger l'Empire.
 

XXXI - 5 - Dans les événements heureux, la première place est à gauche, dans

les événements malheureux elle est à droite. La place du général en second est

à la gauche du prince, celle du général en chef est toujours à sa droite,

c'est à dire à la première place selon les rites funèbres, car celui qui fait

tuer beaucoup d'hommes doit les pleurer.
 

XXXI - 6 - Le général vainqueur se trouve ainsi placé comme s'il conduisait le

deuil de ceux dont l a causé la mort
 

XXXII
 

XXXII - 1 - Le Tao est éternel, il n'a pas de nom. Bien que petit par sa

simplicité, l'Univers n'a aucun pouvoir sur lui.
 

XXXII - 2 - Si les souverains pouvaient s'attacher à lui, les dix mille êtres

viendraient spontanément se confier à eux; le Ciel et la terre s'uniraient

pour faire descendre une douce rosée, et, sans contrainte, les peuples se

pacifieraient d'eux-mêmes.
 

XXXII - 3 - A l'origine de la distinction, il y eut le nom; avec le nom

l'existence fut. Dès lors de même il y eut le savoir et la limite; avec le

savoir et la limite, le moyen de ne pas périr.
 

XXXII - 4 - Tout ce qui existe dans l'Univers est, par rapport au Tao, ce que

sont les ruisseaux des vallées par rapport aux fleuves et aux mers.
 

XXXIII
 

XXXIII - 1 - Celui qui connaît les hommes est averti; celui qui se connaît

lui-même est réellement éclairé.
 

XXXIII - 2 - Celui qui vainc les hommes est fort; celui qui se vainc lui-même

est réellement puissant.
 

XXXIII - 3 - Celui qui sait se suffire est riche.
 

XXXIII - 4 - Celui qui suit sa voie a de la volonté.
 

XXXIII - 5 - Celui qui reste à sa place dure longtemps.
 

XXXIII - 6 - Celui qui meurt sans cesser d'être a acquis l'immortalité.
 

XXXIV
 

XXXIV - 1 - Le grand Tao est partout; sa puissance s'étend en tous sens.
 

XXXIV - 2 - Les dix mille êtres comptent sur lui pour naître et vivre, et il

ne les déçoit pas. Son oeuvre étant accomplie, il ne se l'attribue pas. Il

nourrit les dix mille êtres avec amour, sans les traiter en maître.
 

XXXIV - 3 - Etant éternellement sans désir, on pourrait l'appeler petit; mais

les dix mille êtres dépendent de lui; bien qu'il ne les traite pas en maître,

on peut l'appeler grand.
 

XXXIV - 4 - Voila pourquoi le Saint-Homme, jusqu'à la fin ne se considère pas

comme grand; ainsi, il peut accomplir sa grandeur.
 

XXXV
 

XXXV - 1 - Attachez-vous à la Grande Idée, et le monde avancera. Il avancera

sans peine, dans la paix, la sérénité et l'abondance.
 

XXXV - 2 - La musique et la bonne chère attirent le voyageur de passage et il

s'arrête. Mais ce qui vient du Tao ne flatte pas le palais, car il est sans

saveur. On le regarde, mais cela ne suffit pas pour le voir; on l'écoute, mais

cela ne suffi pas pour l'entendre.
 

XXXV - 3 - Si l'on a recours à lui, on ne peut l'épuiser.
 

XXXVI

XXXVI - 1 - Ce que l'on veut contracter s'était nécessairement déployé. Ce que

l'on veut affaiblir s'était nécessairement fortifié. Ce que l'on veut appauvrir

avait nécessairement prospéré. Ce que l'on veut ravir avait nécessairement été

acquis Cela s'appelle une lumière cachée.
 

XXXVI - 2 - La douceur triomphe de la dureté, la faiblesse triomphe de la

force.
 

XXXVI - 3 - Il ne faut pas que le poisson sorte des profondeurs aquatiques.

Les sources de profit du royaume ne doivent pas être révélées aux hommes.
 

XXXVII
 

XXXVII - 1 - Le Tao est éternellement sans agir; cependant tout est fait par lui.
 

XXXVII - 2 - Si les rois et les princes pouvaient le suivre, les dix mille

êtres se transformeraient d'eux-mêmes. Transformés, s'ils voulaient agir, je

les maintiendrais dans la rectitude grâce à la Simplicité sans nom. La

simplicité sans nom les rendrait aussi sans désirs; sans désirs, ils seraient

en paix, et l'Univers se rectifierait de lui-même.
 

XXXVIII
 

XXXVIII - 1 - La suprême Vertu est sans vertu; c'est pourquoi elle est la

Vertu. La vertu inférieure est attachée aux vertus, c'est pouquoi elle n'est

pas la vertu.
 

XXXVIII - 2 - La supême Vertu n'agit pas, et n'a pas de raison d'agir. La

vertu inférieure agit par elle-même; elle a des motifs pour agir. L'humanité

supérieure agit par elle-même sans mobiles. L'équité supérieure agit par

elle-même avec des raisons pour agir La civilité supérieure agit par

elle-même; et lorsqu'elle n'obtient pas la réciprocité, elle s'efforce de

s'imposer par la contrainte, mais elle est rejetée.
 

XXXVIII - 3 - C'est pourquoi lorsque le Tao fut délaissé, il y eut la vertu;

la vertu perdue, il y eut l'humanité; après la perte de l'humanité, il y eut

l'équité; après la perte de l'équité, il y eut la civilité. Or la civilité

n'étant que l'apparence de la droiture et de la sincérité, elle est cause de

désordre.
 

XXXVIII - 4 - Le savoir n'est qu'ornement du Tao et commencement de l'erreur.

C'est pourquoi le Sage s'attache au réel et rejette les apparences; il

s'intéresse au fruit plutôt qu'a la fleur; il laisse ceci et saisit cela.
 

XXXIX
 

XXXIX - 1 - Voici ce qui, depuis les origines, possède l'Unité:
 

XXXIX - 2 - Le ciel possède l'Unité par sa pureté, la terre par son repos, les

esprits par leur transcendance, les vallées parce qu'elles peuvent se remplir,

les dix mille être par leur puissance générative, les princes et les rois par

l'exercice du pouvoir. C'est par cela qu'ils possèdent l'Unité.
 

XXXIX - 3 - Si le ciel cessait d'être pur, il est probable qu'il se

dissoudrait; si la terre n'était plus en repos il est probable qu'elle se

désagrégerait; si les esprits perdaient leur transcendance, ils

s'anéantiraient; si les vallées ne se remplissaient elles deviendraient

stériles; si les dix mille être ne se reproduisaient plus ils disparaîtraient.
 

XXXIX - 4 - C'est pourquoi ce qui est précieux a pour origine ce qui a peu de

valeur, et ce qui est élevé est fondé sur ce qui est bas.
 

XXXIX - 5 - C'est pour cette raison que les pinces et les rois s'appellent

eux-mêmes orphelins, hommes de peu de valeur, sans mérite. Ne montrent-ils pas

par là que leur souche est vulgaire, et n'ont-ils pas raison?
 

XXXIX - 6 - C'est pourquoi un char en pièces séparées n'est plus un char.
 

XXXIX - 7 - Il ne faut pas désirer être surestimé comme le jade, ni foulé au

pied comme un caillou.
 

XXXX
 

XXXX - 1 - Le retour est le mouvement du Tao; la faiblesse est le moyen dont

il se sert.
 

XXXX - 2 - Toutes choses sous le ciel naissent dans l'Etre; l'Etre naît dans

le Non-Etre.
 

XXXXI
 

XXXXI - 1 - Quand un lettré d'une grande élévation entend parler du Tao, il

s'applique à le suivre avec zèle. Quand un lettré moyen entend parler du Tao,

tantôt il le suit, tantôt il le délaisse. Quand un lettré inférieur entend

parler du Tao, il le tourne en dérision; même s'il n'en rit pas cela ne

signifie pas qu'il le suive.
 

XXXXI - 2 - C'est pourquoi il est une tradition qui dit: pour le Tao, le

lumineux est comme obscure; avancer comme reculer; étranger est comme

familier. Pour la suprême vertu, élévation est comme abaissement, candeur

comme honte, générosité comme parcimonie, vertu bien établie comme perversité,

probité comme malhonnêteté, véracité simple comme duplicité.
 

XXXXI - 3 - Grand carré sans angle, grand vase inachevé, grande mélodie

silencieuse, grande image sans contours: le Tao est caché et n'a pas de nom,

cependant sa vertu soutient et accomplit tout.
 
 

SUITE

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