2.- Tu veux vaincre aux Jeux Olympiques? Et moi aussi, par les Dieux ! car c'est un noble triomphe. Mais examine les antécédents et les conséquents de ce projet, alors seulement entreprends-le. Il faut te discipliner régler ta nourriture, t'abstenir de friandises, faire des exercices forcés et règles selon l'heure, la chaleur, le froid, ne pas boire de l'eau froide ni de vin à. tout hasard; bref, il faut te livrer à ton entraîneur comme un médecin. Ensuite, dans l'arène, il faut creuser la terre, quelquefois se démettre une main, se tordre la cheville, avaler force poussière, parfois aussi être fouetté, et, pares tout cela, être vaincu.
3.- Tout ceci une fois pesé, si tu le veux encore, travaille à devenir athlète. Sinon, .tu te comporteras comme les enfants qui jouent, tantôt aux lutteurs, tantôt aux gladiateurs, qui sonnent maintenant de la trompette et qui font les tragédiens ensuite. Il en sera de même pour toi, tantôt tu seras athlète, tantôt gladiateur, puis rhéteur, ensuite philosophe, et jamais rien de toute ton âme. Mais, tel un singe, tu imiteras tout spectacle que tu verras, et l'une après l'autre chaque chose te plaira. C'est, en effet, qu'avant de entreprendre, tu n'as point examiné ni retourné sous toutes ses faces ton projet. Tu t'engages au hasard et avec un froid désir.
4.- C'est ainsi que certains, après avoir vu un philosophe et entendu parler, comme sait parler Euphrate (5) - et pourtant qui peut parler comme lui.? – veulent aussi être philosophes.
5.-O homme! Considère d'abord ce que tu te proposes, et
vois ensuite, en étudiant ta nature, si tu en es capable. Tu veux
être pentathle ou lutteur ?
Regarde tes bras, tes cuisses, examine tes reins en effet, est ne pour
une chose; l'autre pour une autre.
6.- Crois-tu qu'en te rendant philosophe tu pourras semblablement manger, pareillement boire, avoir les mêmes désirs, les mêmes aversions ? Il faut veiller peiner, se séparer des siens, souffrir le mépris d'un jeune esclave, être raillé par les premiers venus, avoir en tout le dessous, dans les honneurs, dans les charges publiques, devant les juges et dans la moindre affaire.
7.- Pèse tout cela, si tu veux recevoir en échange, l'impassibilité,
la liberté, le calme. Sinon, n'approche pas, de peur que, comme
les enfants, tu ne sois maintenant philosophe, plus tard percepteur, ensuite
rhéteur puis procurateur de César. Tout cela ne s'accorde
pas Il faut que tu sois un seul homme, ou bon ou mauvais.
Il faut cultiver, ou le gouvernement de toi-même ou les choses
du dehors, t'appliquer aux choses intérieures ou aux choses extérieures.
C'est-à-dire tenir le rôle de philosophe ou de particulier.