Paco Rabane à la télé nous affirme se souvenir de ses vies antérieures. Aux dernières nouvelles il aurait été, il y a 3000 ans, prêtre en Egypte.
Que peut-on en penser?
La question de la réincarnation est très complexe et controversée. C'est bien tentant d'imaginer qu'après notre mort nous abandonnerons , comme un vêtement usagé, notre vieux corps tout délabré et parfois pas très ragoûtant à regarder, pour entrer dans celui tout neuf et si mignon d'un charmant bébé.
Des études menées, je crois avec un grand sérieux scientifique par des médecins américains, sembleraient donner raison à ceux qui croient à la réincarnation telle que l'entend Paco Rabane.
Toutefois, en lisant les récits d'enfants qui se souviennent de leur précédente existence - souvenir qui souvent ont pu être contrôlés, car il avait été possible de rencontrer et d'interroger des personnes qui avaient connu le "réincarné" dans sa vie d'avant - on peut remarquer qu'il s'agissait le plus souvent de personnes décédées de mort brutale et qui, de ce fait n'avaient pu aller jusqu'au terme de ce qu'aurait dû être leur vie sans l'accident qui y avait mis fin prématurément.
On peut également évoquer le cas des "Lamas Réincarnés" que les Tibétains nomment "tulkou" comme par exemple le Dalaï Lama. Mais là aussi il faut remarquer qu'il s'agit de phénomènes très particuliers:
- Premièrement, il faut songer qu'un tulkou est sensé incarner un Principe spirituel symbolisé par une divinité comme, dans le cas du Dalai Lama, le Bodhisattva Avalokiteshvara qui représente symboliquement la Toute Compassion du Bouddha Amithaba
- En second lieu, on ne doit pas oublier que les tulkou sont des êtres "réalisés" qui possèdent parfaitement les techniques yoguiques grâce auxquelles il peuvent , au moment de la mort, maintenir la "continuité de la conscience". La preuve en est que généralement ils donnent au moment de la mort, à leurs plus proches disciples, des indications qui leur permettront, le moment venu d'orienter les recherches pour retrouver l'enfant habité par la conscience du disparu.
Pour qu'il y ait "réincarnation" au sens où l'entend Paco Rabane, il faudrait qu'il existe une entité permanente, un MOI ou un JE qui "sauterait" ainsi de corps en corps avec, à chaque fois, la faculté de se souvenir de ses expériences passées. Or, ce fameux"JE", quand on le cherche on ne le trouve nulle part. En poussant l'analyse à fond on ne rencontre que le vide.
Une bonne partie de l'humanité croit cependant à la réincarnation. Oui mais, seulement dans les couches populaires. Chez les sages érudits on voit les choses d'une manière sensiblement différente, On parle de renaissance ou de transmigration : il y a bien renaissance ou transmigration mais il n'y a personne pour renaître ou transmigrer puisqu'il n’existe pas de "MOI" permanent.
Ben alors, v'la qu'ça se corse!
Voici comment, chez les Bouddhistes érudits, on explique le processus en faisant appel à une comparaison simple. C'est l'image de la lampe qui éclaire la dernière veille de la nuit : sa flamme n'est ni la même, ni non plus complètement différente de celle qui éclairait la première veille. Lorsque, faute de combustible, la première lampe était près de s'éteindre on l'a utilisée pour en allumer une autre ( peu importe le type de la lampe qui a pu servir de support à la nouvelle flamme : lampe à huile, bougie, torche de résine, etc. ).
Cette flamme de la première lampe, on ne peut pas dire qu'au moment où elle a servi à allumer la seconde, elle était la même que lorsqu'elle venait elle-même d'être allumée : les conditions extérieures, quantité de combustible restant dans la lampe, usure de la mèche, vent, etc. ont fait que, ce que cette flamme était à l'instant "t", n'étaient plus la même une fraction infinitésimale de temps plus tard. De même, lorsque roule un char, chaque roue ne touche le sol qu'en un point qui n'est plus le même lorsque le véhicule a avancé - ne serait-ce que d'un millimètre. C'est là la notion d'impermanence chère aux philosophies orientales. (1)
Ainsi, vous-même, Lecteur, n’êtes plus le même que lorsque vous avez ouvert ce livre, les différents agrégats qui constituent ce qui vous sert de "MOI" ont été modifiés d'instant en instant. Tout le corps, les fonctions qui le maintiennent en vie (respiration, assimilation, digestion, circulation sanguine, renouvellement des cellules, etc.) l'ont transformé imperceptiblement mais sûrement.
Il en va de même pour votre esprit qui, à tout instant,
a réagi - favorablement ou non, ce n’est pas l'important - au contact
des idées émises par l'auteur et, celui qui lit le livre
en ce moment n’est pas parfaitement identique à celui qui, tout
à l'heure l'a ouvert et qui dans un moment le refermera.
Pour revenir à la flamme qui éclaire la dernière
veille de la nuit, qu'a-t'elle hérité de celle qui éclairait
la première?
Ce n'est pas l'identité d'une flamme individuelle mais c'est "l'essence du feu" qui s'est transmise : il y a continuité mais pas identité.(2)
Pour le Bouddhisme, cette "essence" du feu qui a transmigré de flamme en flamme représente symboliquement le désir d'existence qui, malgré l'universalité de la souffrance qui caractérise le "Samsara", la ronde sans fin des morts et des naissances, brûle les êtres individuels. C'est ce désir, qui s’est manifesté par des actes et, c’est en conséquence de ces actes, qu'il a pu se maintenir et se transmettre.
C'est le résultat de l'interaction d'une indéfinité de causes extérieures - elles-mêmes effets d'autres causes qui nous a fait ce que nous sommes ici et maintenant. C'est le faisceau de causes véhiculé par le désir, la soif d'exister , qui se transmettra à d'autres corps le Bouddhisme dit "Noms et Formes"(Nama-Rûpa) lorsque leur support psychophysique actuel , que nous avons tendance à considérer comme notre "MOI" permanent se dissoudra.
Rechercher la cause première de ce tourbillon sans fin de causes et d'effet - le Samsara, selon la terminologie bouddhiste - est impossible, inaccessible à notre intelligence et, de plus parfaitement inutile. C'est pourquoi lorsqu'on lui posait des questions d'ordre métaphysique, le Bouddha répondait "par un noble silence".
(1) Cette
notion d'impermanence, on la retrouve également chez certains philosophes
occidentaux de l'antiquité. Voir entre autre Héraclite
et Marc Aurèle.
(2) On peut
remarquer qu'une flamme peut en allumer une indéfinité d'autres.
De même, sur le plan physique, un même père peut transmettre
les caractères génétiques hérités de
ses ancêtres à plusieurs descendants. Par analogie ne
peut - on donc envisager que le faisceau de causes et d'effet qui est la
raison d'être de ma présente existence pourra servir à
animer plusieurs êtres individuels. Cette opinion, qui m’est
personnelle, pourrait bien se voir corroborée par l'augmentation
croissante de la population mondiale: selon certaines statistiques il y
aurait eu environ 322 millions d'êtres humains sur la terre en l'an
1000 alors que nous sommes actuellement plus de cinq milliards en 1999.
Ce serait émouvant de penser que, de même que nous avons des frères et sœurs selon la chair, nous en avons peut-être d'autres selon le karma.
Par ailleurs, la régression vers des formes inférieures de la vie, comme l'entend la métempsycose, parait bien improbable. Mis à part certains individus particulièrement frustes, qui ne seraient en fait que des animaux sous forme humaine, les aspirations d'un humain sauf, peut-être celles d'ordre purement biologiques : se nourrir, se reproduire, se protéger, etc.) et, par conséquent, le faisceau de causes et d'effet qui nous poussent à renaître sont quand même différentes de celles des animaux.
Il y a peut-être une autre façon d'envisager les fins dernières qui, je crois, doit se rapprocher de celle du Taoïsme.
Cette idée m'a été inspirée par une phrase du "Fondeur de Boutons" dans le Peer Gynt d'Ibsen. Lorsque Peer Gynt est sur le point de mourir, le Destin lui apparaît sous la forme du "Fondeur de Boutons" qui lui dit :
- Tu n'a jamais trouvé le moyen d'aller jusqu'au bout de toi-même. Tu n'as pas su être vraiment un bon fils, un bon fiancé, ni même un vrai salaud , tu sera refondu dans ma cuillère. (Traduction très approximative, mais le sens y est)
De même que, plus moins longtemps après notre décès, les constituants de notre corps physique retournent au vaste réservoir de l'Éternelle Transformation pour être réutilisés à construire d'autre êtres : plantes, animaux, humains ; pourquoi les énergies qui constituent ce que nous appelons "notre âme", faute de savoir exactement ce que c'est, retournent dans le "pot commun" pour être réutilisés à l'élaboration de "l'âme" ou du psychisme d'autres êtres.
Ainsi ces réminiscences, que chacun de nous à rencontré au moins une fois dans sa vie, et qui sont souvent attribuées à un souvenir d'une vie antérieure, appartiendraient à "l'âme" ou au psychisme d'un être disparu, mais pas forcément à un "Moi" permanent auquel le Bouddhisme refuse de croire.
C'est sûrement parce que cela n'est pas entièrement clair dans mon esprit que je l'exprime si mal."Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement"
"Et les mots pour le dire vous viennent aisément"
Boileau - l'Art Poétique