LES DIFFÈRENTS ETATS DE L'ÊTRELE MANDALA CREATION TRADITIONELLE D'UN MANDALA
Non loin de chez moi, au coeur de la Bretagne, il est une abbaye dont la fondation remonte au XIIe siècle. Dépendant de cette abbaye un très beau parc: passé la porte monumentale, on laisse à droite ce qui se veut une reproduction de la grotte de Lourde et on emprunte un chemin qui grimpe assez fort - "Prenez le chemin montant, car large est la route qui mène à la perdition" - le long duquel s'étagent les stations d'un chemin de croix. Arrivé en haut on a le choix:
- - Aller tout droit pour entrer dans le cimetière des moines. Une cinquantaine de tombes toutes les mêmes recouvertes de gravier blanc et surmontées chacune d'une simple croix de bois.
- - Ou bien prendre le chemin de droite. Il conduit à une minuscule chapelle dont la porte sans vantaux est ouverte à tous vents, à tous et à toutes. Au dessus de l'autel une niche avec, éclairée par un astucieux dispositif de lucarne dans le plafond, une statue - dans le style Saint Sulpice - du Christ, debout, montrant le Sacré Cœur.
Non pas la pompe aspirante et foulante qui, grâce à ses quelque 2 à 3 milliards de battements nous permet une vie de 70 ans en moyenne, mais bien le "coeur spirituel", ce “ lotus du cœur ” dont parle Guénon dans “ L’Homme et son devenir selon le Védanta ” et que la Tradition situe à deux travers de doigt à droite du centre du sternum. Ce que tous nous savons intuitivement, puisque, lorsqu'on nous demande quelque chose qui appelle comme réponse la question: "Qui, moi?" c'est le geste de montrer cet endroit précis de notre corps qui accompagne mot "Moi"
On rejoint ici les enseignements de Shri Ramana Maharshi , ce Libéré vivant (jivanmukta) sensiblement contemporain de Guénon, puisqu'il est mort en 1950 . Maharshi répétait inlassablement " Cherchez le Soi, le Soi c'est le Coeur "
Je suis loin d'être un fanatique
de la psychanalyse et des "psys" en général:
c'est à la suite d'une analyse mal conduite que ma fille de vingt
ans c'est jetée du trente septième étage de
la Fac. Tolbiac. Cependant je dois
reconnaître qu'ils ne disent pas toujours des âneries,
en particulier Jung. René Guenon semble penser qu'il n'en
est que plus dangereux. Personnellement, fidèle à l’enseignement
du Bouddha qui recommande de ne pas “ chérir des opinions ” je réserve
mon avis.
Jung, donc, consacre une importante partie
de son ouvrage "Psychologie et Alchimie" auxmandala
et à leur place dans les rêves. Selon lui le mandala,
cette figure centrée, serait l'un des archétypes les plus
communs de l'inconscient humain. Il nous dit avoir constaté
que, fréquemment, "l'intégration de la personnalité"
de nombre de ses patients était accompagnée de rêves
évoquant un mandala.
LES DIFFÈRENTS ETATS DE L'ÊTRE
Si nous représentons les divers états de l'Etre par une spirale constituée par l'empilage d'une indéfinité de surfaces de diamètre indéfini, chacune des spires de cette spirale représente l'un des états de l'Etre.
Représentation schématique de la Manifestation du Principe
Intéressons - nous à la spire qui représente l'état humain, elle est, comme toutes les autres, traversée en son centre par une verticale imaginaire qui figure l'action du Principe Suprême. Chacune des individualités particulières peut être représentée par un point plus ou moins éloigné du centre selon son degré d'avancement spirituel.
Il y en a qui sont tout à fait à la périphérie au point qu'on se demande s'ils ne se sont pas trompés d'étage et si ce ne serait pas à celui d'en dessous, celui des animaux, qu'ils devraient se trouver.
D'autres se situent plus ou moins près de la périphérie ou de l'axe central. Ces derniers commencent à sentir l'action attractive du centre, ils finiront un jour par se diriger vers lui et, plus ils s'en rapprocheront, plus ils en sentiront fortement l’attraction, les lois de l’attraction universelle pouvant également s’appliquer au domaine métaphysique. En terme bouddhique on peut dire d'eux qu'ils seront alors "entrés dans le courant".
Mais, comme disait mon Maître de Yoga, dans le domaine spirituel, lorsqu'on croit être à mi - parcourt, il reste les neuf dixièmes du chemin à faire!
Lorsqu'enfin nous serons parvenus au centre, encore un effort et ce sera "l'Identité Suprême", la libération de la roue des renaissances, le Nirvâna.
Nous pouvons considérer chacune des surfaces représentatives de l'un des états de l'Etre comme un mandala.
Oui, mais qu'est - ce qu'un mandala?
Le mot lui même, d'origine sanskrite, signifie cercle.
Il s'agit d'un diagramme centré qui est
généralement utilisé comme support de méditation
dans les initiations orientales. Il en existe de différentes sortes
selon la tradition à laquelle ils
se rapportent et, également la vérité
métaphysique qu'ils sont destinés à faire pénétrer.
On peut considérer le Shri Yantra de la tradition tantrique
hindoue comme le prototype du mandala :
Le Shriyantra
(retour
à "Tantra)
Ce schéma reproduit symboliquement le processus de la manifestation qui s’organise à partir du point central (bindu) et se poursuit, par étapes, jusqu’à la création du monde terrestre. Le méditant est invité à faire le trajet inverse pour retrouver au Centre son origine qui n’est autre que le Brahman, le Principe
Autour d’un point-germe central (bindu)
s’organise un schéma constitué par la combinaison de cinq
triangles “ femelles ” (pointe en bas) qui correspondent à la Shaktiou
pouvoir de création de Shiva et de quatre triangles “ mâles
” ( pointe en haut ) qui correspondent à la Conscience de
Shiva car, selon le tantra, il n’existe dans la manifestation que
la Conscience et l’Énergie; toute chose manifestée n’étant
que de l’Énergie organisée par la Conscience.
.
Le dessin suivant reproduit, schématiquement un mandala classique
de la tradition du bouddhisme tibétain. On y voit un cercle extérieur
souvent entouré de flammes qui sépare la mandala
proprement dit des "ténèbres extérieures". C'est
à l'extérieur de cette limite que se trouvent,
symboliquement, les individualités dont j'écrivais
plus haut qu'on se demande si elles ne se sont pas trompées d'étage.
Schéma de principe d'un mandala bouddhique
A l'intérieur de ce cercle un diagramme carré comportant quatre "portes" en forme de T situées aux quatre points cardinaux.
L'intérieur du carré est partagé
par ses diagonales en quatre secteurs attribué
chacun à un Dhyani Bouddha "divinité"
qui, dans la tradition bouddhique, symbolise chacune l'un des cinq aspects
de la sagesse du Bouddha - la cinquième étant située
dans un petit cercle placé au centre du diagramme.
A chaque Dhyani Bouddha sont affectés
un orient, une couleur, un objet symbolique un élément (
terre, eau, air, feu, Akasha)
qui sont en rapport avec la forme de sagesse qu'il représente. Ce
n'est pas ici le lieu de nous étendre sur les significations de
ces emblèmes, cela demanderait un trop long développement
et nous éloignerait de notre but qui est, souvenons-nous en le Centre
du Mandala..
Ce qui nous intéresse c'est la démarche spirituelle liée au mandala : partis des ténèbres extérieures il nous faudra d'abord franchir le cercle - souvent de feu - qui protège le mandala, trouver la porte par laquelle nous pourrons y pénétrer plus avant, puis continuer notre difficile cheminement pour tenter d'atteindre le centre, c'est à dire la parfaite réalisation spirituelle.
Afin de bien montrer combien la progression vers l'état central est malaisée, il arrive que des cloisons parallèles aux "murs d'enceinte" soient placées a l'intérieur des segments, figurant une sorte de labyrinthe.
Notre ancien "Jeu de l'Oie", qui semble - il, remonterait aux égyptiens, n'était autre qu'un parcours initiatique. Parti de l'extérieur, il fallait parvenir au centre selon un chemin spiralé le long duquel se rencontraient des cases "heureuses" où l'on trouvait de l'aide, d'autres étaient destinées au repos, d'autres enfin étaient pleines de difficultés et d'obstacles. Tout comme dans la recherche spirituelle réelle dans laquelle tout semble parfois aller parfaitement bien, le ciel est bleu, le chemin est dégagé, on croit apercevoir le But à l'horizon. Puis tout à coup ,crac! on se retrouve dans une sombre forêt, le chemin est plein d'épines , on trébuche à chaque pas sur un résidu de passion que l'on croyait vaincue à jamais. Après une marche pénible ou même souvent un retour en arrière, on finit par reprendre confiance et repartir vers la Lumière.
Il arrive que tout ce travail initiatique qui se fait en nous
se manifeste sous la forme d'un rêve suggérant un mandala;
J'en ai fait personnellement l'expérience.
On peut, par exemple, se trouver au sommet d'une tour, désirant
se prosterner vers les quatre points cardinaux, et toc ! on se réveille
avant d'avoir eu le temps d'effectuer la dernière prosternation.
Ou bien encore, on est au pied d'une haute montagne entourée de
quatre autres pics moins élevées et on se prépare
à l'escalader et on se réveille en restant en bas.
Le fait d'avoir de telles représentations oniriques
ne signifie nullement que parvenu à une quelconque
sagesse, elles sont seulement l'illustration du travail qui s'élabore
dans notre inconscient et doivent avoir pour but de nous encourager à
persévérer dans notre travail spirituel.
Quel itinéraire suivrons-nous pour tenter de rejoindre le Centre?
Il n’y a pas de recette, c’est l’affaire de chacun de trouver le bon rythme.
Certains voudrons y parvenir le plus vite possible en empruntant les voies dites de “ l’illumination subite ” comme on en trouve dans le Zen et certaines formes du Bouddhisme tibétain. Ce sont là des voies qui peuvent être dangereuses si on n’est pas guidé par un maître authentique et particulièrement compétent qui a lui-même parcouru le Sentier. Il est rare, en occident de rencontrer de tels Maîtres.
D’autre pourraient être tentés de musarder dans les diverses cases du Mandala un peu comme le firent les compagnons dont parlent une légende :
On raconte que pour construire la cathédrale Notre Dame de la Garde à Marseille, deux groupes de Compagnons étaient en compétition.CREATION TRADITIONELLE D'UN MANDALAOn sait qu’il est de tradition que les Compagnons fabriquent leurs propres outils. Certains se mirent donc en devoir de se fabriquer des outils parfaits, oubliant le but qui était la construction de la cathédrale .Laquelle fut réalisée par les autres avec des outils simples mais performants...
A chacun de trouver, en ce qui le concerne le juste milieu entre ces deux extrêmes.
Mais revenons au Mandala. J’ai eu le privilège d’assister à quelques unes des phases de la création d’un mandala sous la direction de S.S. Gyalwang Drukpa, XII ème hiérarque de la lignée Drukpa Kagyü du Bouddhisme tibétain, qui est censé, selon la tradition tibétaine, manifester l’esprit du futur Roi de Shambala, ce Centre Spirituel mythique d’Asie centrale dont parle Guénon dans le Roi du Monde.
Les phases de cette création que je n’ai pas vue m’ont été
décrites par les moines :
Sur un canevas tracé par le Maître, sur une surface bien
plane, avec de la chaux finement pulvérisée ou du plâtre,
le mandala est dessiné avec soin, en partant du centre par
quatre moines placés au quatre orients et qui doivent travailler
en parfait synchronisme afin d’arriver exactement ensemble aux portes .
Le mandala de Chakrasamvara
Ils utilisent pour dessiner de très fines poudres brillamment
colorées qu’ils font tomber avec précaution d’un outil en
forme de bec en frappant doucement dessus avec une tige métallique.
Les moines, relayés par d’autres à intervalles réguliers,
travaillent sans interruption pendant trois jours et trois nuits.
Le mandala une fois terminé est surmonté d’un dais
et consacré au cours d’une cérémonie rituelle à
laquelle je n’ai pas assisté.
Il sera présent pendant toute la durée des rituels de
“
Loung ” improprement traduit par “initiation” et qui n’est qu’un transfert
de pouvoir aux assistants afin qu’ils puissent eux même, dans l’avenir,
pratiquer valablement certaines prières ou méditations.(1)
En principe, à la fin des cérémonies, le mandala est détruit : partant de la périphérie, les moines réunissent au Centre les poudres colorées dont il a été dessiné et elles sont ensuite jetées dans une rivière “ pour le bien de tous les êtres ”
Selon la tradition tibétaine, le premier mandala élaboré
par un Maître n’est pas détruit. Celui dont je parle étant
le premier dessiné sous la direction de S. S. Gyalwang Drukpa n’a
donc pas été détruit.
Ce rituel de création puis de destruction d’un mandala
est du plus haut symbolisme :
Sur le plan issu du Principe, les différents constituants de la Manifestation ou même d’un être individuel sont progressivement assemblés autour d’un point-germe central (bindu). Ils restent ensemble le temps d’un cycle de la Manifestation, ou simplement d‘une vie, pour se résorber les uns dans les autres puis retourner , en fin de parcours dans l’éternelle transformation.
S’il était possible d’émettre un vœu quant à sa propre fin, ce que je souhaiterais, c’est, dans une pleine conscience, réunir au centre de moi même les cinq agrégats qui constituent ma présente individualité, puis, dans un dernier souffle les restituer à l’Universelle Vacuité, qui est l’appellation bouddhique du Principe dont on ne peut parler qu’en termes négatifs, Et disparaître complètement sans laisser la moindre trace.
(1) ( A ce sujet
on pourra lire avec profit l’ouvrage de Alexandra David Néel
: “ Initiations Tibétaines ”) [ j’ai volontairement imprimé
en gras souligné le é de Néel
afin de bien marquer qu’il ne faut pas prononcer Nil à l’anglaise.
Pour une fois que nous avons une “ sacré Nana ” je refuse de la
refiler aux british !!!]