[306] DES OPINIONS DES PHILOSOPHES

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LIVRE CINQUIEME

 
I. De la Divination.   II.Comment se font les songes. III. Quelle est la substance de la substance. IV. Si la semence est corps. V. Si les femelles aussi bien que les mâles rendent semences. VI. Comment se font les conceptions. VII. Comment engendrent les mâles & les femelles. VIII. Comment se font les monstres. IX. Pourquoi est-ce que le femme, qui a souvent compagnie de l'homme, ne conçoit point. X. Comment naissent les Jumeaux... XI. D'où se font les similitudes des pères... XII. Comment les enfants se font semblables aux autres... XIII. Comment se font les femmes stériles X[I]V28. Pourquoi sont les Mulets & les Mules stériles. XV[I]29. Si l'enfant étant encore au ventre de sa mère est animal, ou non. XVI. Comment se nourrissent les fruits dedans le ventre. XVII.Ce qui est parfait le premier dedans le ventre. XVIII. Pourquoi est-ce que les enfants sont viables à sept mois. XIX. De la génération des animaux, XX. Combien il y a de genres d'animaux, XXI. En combien de temps se forment les animaux dedans le ventre de la mère. XXII. De combien d'éléments se composent chacune des parties générales qui sont en nous. XXIII. Comment se font le sommeil, & la mort: si c'est de l'âme ou du corps. XXIV. Quand & comment est-ce que l'homme commence à atteindre sa perfection. XXV. Lequel des deux est-ce qui dort, ou qui meurt, l'âme ou le corps. XXVI. Comment sont venus à croissance les plantes,... XXVII. De la nourriture & accroissement. XXVIII. D'où viennent les apétits & les voluptés aux animaux. XXIX. Comment se fait la fièvre,... XXX. De la santé, maladie & vieillesse. NOTES

 

CHAPITRE I. De la Divination.; [307]
 
 

Comment se fait la divination, & qu'elle a diverses espèces, contre

les Epicuriens.
 
 

Platon & les Stoïques l'introduisent par inspiration suivant la

divinité del'âme, quand l'âme est éprise de l'esprit divin, ou bien

par révélation des songes: ceux- là admettent & approuvent plusieurs

espèces de divinations: Xénophane & Epicure au contraire, ôtent

toute divination: Pythagore réprouve seulement celle qui se fait par

les sacrifices: Aristote & Dicæarque admettent seulement celle qui

se fait par inspiration divine & par les songes, non qu'ils estiment

l'âme être immortelle, mais qu'elle a quelque participation de la

divinité.
 
 

CHAPITRE II. Comment se font les songes.
 
 

Opinions diverses touchant les songes.
 
 

Démocrite, que les songes se font par représentation des images:

Straton parce que l'entendement est ne sais comment plus sensible en

dormant & s'émeut lors plus à apéter connaissance. Hérophile que

les songes divinement inspirés se font par nécessité, les naturels

parce que l'âme se forme une image & représentation de ce qui lui

est utile, & de ce qui en doit advenir. Ceux qui sont mêlés & de

nature mixte, casuellement & fortuitement, ou par approchement &

accès des images, quand ce que nous désirons, nous le voyons, comme

ceux qui songent qu'ils jouissent de leurs amours.
 
 

CHAPITRE III. Quelle est la substance de la substance.
 
 

Définition de la semence.
 
 

Aristote, que la semence est ce qui a pouvoir de mouvoir en soi-

même, à parfaire quelque chose de tel que est ce dont il a été

exprimé: Pythagore, l'écume du plus utile dans la superfluité de la

nourriture, comme le sang & la moëlle: Alcméon, partie du cerveau:

Platon, défluxion de la moëlle de l'épine: Epicure, une abstraction

de l'âme & du corps: Démocrite, de tous les corps & des principales

parties d'iceux, la géniture des nerfs charnus.
 
 

CHAPITRE IV. Si la semence est corps.
 
 

Diversité d'opinions si c'est corps ou non.
 
 

Leucippe & Zénon, que c'est corps, pource que c'est une abstraction

de l'âme: Pythagore, Platon, Aristote, que la force de la semence

n'a point de corps, comme l'entende- [307] ment , qui est celui qui

remue le corps, mais bien que la matière qui est jetée hors &

répandue est corporelle: Straton & Démocrite, que la puissance même

est corps, dautant qu'elle est esprit.
 
 

CHAPITRE V. Si les femelles aussi bien que les mâles rendent semences.
 
 

Les femelles ont & rendent semence, & quelle.
 
 

Pythagore, Epicure, Démocrite, que la femelle aussi jette semence,

pource qu'elle a des vases séminaires à l'envers: voilà pourquoi

elles apètent encore après l'acte de la génération: Aristote &

Zénon, qu'elle rend une matière humide, comme la sueur qui sort des

corps qui s'exercent ensemble, non pas que ce soit semence: Hippon,

que les femelles jettent de la semence non point que les mâles, mais

que cela ne sert point à la génération, d'où vient qu'aucune femme,

mais peu, en jettent sans compagnie de l'homme mêmement les veuves,

& que les os se concréent de la semence du mâle, & la chair de la

femelle.
 
 

CHAPITRE VI. Comment se font les conceptions.
 
 

Mâle comment s'engendrent, & que c'est qui empêche la conception.
 
 

Aristote pense que les conceptions, & engouffrements se fassent,

parce que la matière a été devant attirée par la purgation

naturelle, & parce que les purgations ont amené quelque partie du

sang pur de toute la masse, tellement qu'il en advient que le mâle

s'en engendre: & aucontraire, que ce qui empêche les conceptions est

quand la matrice est impure ou qu'elle est pleine de ventosités, ou

de peur, ou de tristesse, ou pour la faiblesse & imbécilité des

femmes, ou par l'impuissance des hommes.
 
 

CHAPITRE VII. Comment engendrent les mâles & les femelles.
 
 

Choses concurrents en la génération des mâles & des femelles, &

diverses opinions sur ce propos.
 
 

Empédocle tient, que les mâles & les femelles s'engendrent par le

moyen de la chaleur & de la froideur, d'où vient qu'on raconte que

les premiers mâles naquirent au monde devers le Soleil Levant &

devers le Midi, & [309] les femelles vers le Septentrion: Parménide

au contraire dit, que les mâles naquirent devers les Septentrion,

pource que l'air y est plus gros & plus épais: & au contraire, les

femelles vers le Midi, à cause de la rareté & subtilité de l'air:

Hipponax à cause de la semence qui est plus forte & plus épaisse ou

bien plus faible & plus liquide: Anaxagore, Parménide, que la

semence qui vient du côté droit de l'homme se jette dedans le côté

droit de la matrice, & du gauche en la partie gauche: mais si

l'éjection se fait autrement, que lors il s'engendre des femelles.

Léophanès dit qu'Aristote tient, que les mâles s'engendrent du

génitoire droit, & les femelles du gauche: Leucippe, à cause de la

permutation des parties naturelles, parce que l'un a la verge d'une

sorte, & l'autre la matière d'une autre, & n'en dit autre chose:

Démocrite, que les parties communes s'engendrent aussi tôt de l'un

que de l'autre, selon qu'il se rencontre mais les particulières de

celui qui est le plus puissant. Hipponax dit que si la semence est

la plus forte, il se fait un mâle: si la nourriture, une femelle.
 
 

CHAPITRE VIII. Comment se font les monstres.
 
 

Quatre avis de Empédocle sur la génération des monstres.
 
 

Empédocle, que les monstres s'engendrent pour l'abondance de la

semence, ou bien par faute, ou par la turbulence & perturbation du

mouvement, ou pource qu'il est divisé en plusieurs parts: ainsi

semble-il qu'il ait préoccupé toutes réponses: Straton, par addition

ou substration, ou transposition, ou inflation de vents[:] (26) aucuns

des médecins, parce que quelque fois la matrice devient torse par

force de ventosités.
 
 

CHAPITRE IX. Pourquoi est-ce que le femme, qui a souvent compagnie de l'homme, ne conçoit point.

 
 

Avis divers de Dioclès. Des Stoïques, d'Erasistratus.
 
 

Dioclès le médecin, parce que les unes ne rendent du tout point de

semence, ou bien moins qu'il n'en faut, ou bien telle, qu'elle n'a

point de vigueur vivifiante, ou par faute de chaleur, ou de froid,

ou d'humidité, ou de sécheresse, ou par relaxation des parties: les

Stoïques, à cause de l'obliquité de la verge de l'homme qui est

tortüe, à raison dequoi il ne peut pas jeter la semence droit: ou

pource que les parties sont disproportionnées pour la distance de la

matrice: Erasistrate, à cause de la matrice, quand elle a des

callosités [310] & dureté, ou qu'elle est trop charnue, ou qu'elle

est plus rare, ou plus petit qu'il ne faut selon nature.
 
 

CHAPITRE X. Comment naissent les Jumeaux ou Trijumeaux.
 
 

Générations des jumeaux attribuées à diverses causes;
 
 

Empédocle dit, que c'est pour la multitude ou la divulsion de la

semence: Asclépiade, à raison de l'excellence de la semence, ni plus

ni moins que les chalumeaux d'orge, où il y a deux ou trois épis,

quand les semences sont fort génératives: Erasistrate, à cause des

purgations, comme és bêtes brutes: car quand la matrice est

repurgée, alors elle vient à la conception: les Stoïques qui sont

dedans la matrice, quand la semence vient à tomber dedans le premier

& dedans le second, alors se font les superfetations, & alors

s'engendrent les Trijumeaux.
 
 

CHAPITRE XI. D'où se font les similitudes des pères & des mères & des ancêtres.
 
 

Similitude des enfants diversement expliquée.
 
 

Empédocle que les similitudes se font par la force plus grande de la

semence génitale, & les dissimilitudes, parce que la chaleur qui est

en la semence est évaporée: Parménide, quand la semence descend en

la droite partie de la matrice, ils ressemblent aux pères: quand à

la sénestre, aux mères: Les Stoïques, de tout le corps & de toute

l'âme issent (27) les semences & si forment les similitudes de même

semences les formes & les figures, comme un peintre qui de mêmes

couleurs peindrait l'image qu'il verrait devant soi: que la femme

même rend de la semence, & si elle plus forte, alors que l'enfant

est semblable à la mère: & si c'est celle de l'homme, semblable au

père.
 
 

CHAPITRE XII. Comment les enfants se font semblables aux autres, & non pas aux pères & mères.
 
 

Vertu de l'imagination fort grande en la génération des enfants.
 
 

La plus part des médecins, que c'est fortuitement & par cas

d'aventure: quand la semence du père & de la mère est refroide, les

enfants ne leur ressemblent point: Empédocle, que par l'imagination

de la femme en la conception se [311] forment les enfants: car

souvent des femmes ont été amoureuses d'images & de statues, & ont

enfanté des enfants semblables à icelles: les Stoïques par

compassion & convenance des pensements, par évulsion de fluxions &

de rayons, & non pas d'images, se font les ressemblances.
 
 

CHAPITRE XIII. Comment se font les femmes stériles, & les hommes impuissants d'engendrer.
 
 

Plusieurs avis des médecins sur la stérilité des femmes. De Dioclès

sur la stérilité des femmes. De la stérilité des deux parties.
 
 

Les médecins tiennent qu'elles sont stériles, à cause de la matrice

qui est ou trop serrée, ou trop rare, ou trop dure, ou pour quelques

callosités, ou parce que les femmes sont trop pusillanimes, ou parce

qu'elles ne sont pas bien nourries, ou de mauvaises habitudes de

corps, ou parce qu'elles ont contrefaites, ou par convulsion:

Dioclès tient, que les hommes sont inféconds, ou parce que les uns

ne rendent du tout point de semence, ou moins qu'il n'en faut, ou

non ayant forme d'engendrer: ou parce qu'ils ont les parties

naturelles lâches, ou parce qu'ils ont la verge tortuë qui ne peut

jeter sa semence droit, ou pour ce que elle n'est pas de longueur

compétente, vue la distance de la matrice: les Stoïques en accusent

certaines qualités & facultés discordantes & incompatibles des

parties, lesquelles séparées l'une d'avec l'autre, & conjointes avec

d'autres accordantes à leur complexion, alors se tempère la nature,

& se parfait l'enfant.
 
 

CHAPITRE X[I]V (28). Pourquoi sont les Mulets & les Mules stériles.
 
 

Mulets & Mules sont stériles, à cause de leur froideur, & incapacité

des parties à la génération.
 
 

Alcméon tient, que les Mulets sont inféconds, pource que leur

semence est trop déliée substance, qui vient de la froideur

d'icelle: & les femelles, parce que leurs matrices ne s'ouvrent pas

assez car ainsi le dit-il: Empéocle, à cause que leur matrice est

trop petite, trop basse, & trop étroite, étant attachée & tournée

vers le ventre, de sorte que ni la semence ne peut être droit jetée

dedans, ni quand bien elle y serait jetée, elle ne la recevrait pas:

à quoi Dioclès lui porte témoignage disant, Plusieurs fois aux

anatomies ai-je vu la matrice telle, & qu'il advient pour les mêmes

causes que quelques unes des femmes sont stériles. [312]
 
 

CHAPITRE XV[I] (29). Si l'enfant étant encore au ventre de sa mère est animal, ou non.
 
 

De la vie de l'enfant au ventre de sa mère.
 
 

Platon tient qu'il est animal, dautant qu'il a mouvement, & qu'il

prend nourriture dedans le ventre: les Stoïques, que c'est une

partie du ventre, non pas animal séparé, comme les fruits des arbres

qui viennent à tomber quand ils sont achevés de murir, aussi fait

l'enfant: Empédocle, qu'il n'est point animal & néanmoins qu'il a

vie, & que sa première respiration est à l'enfantement, lors que la

superflue humidité se retire, & que l'air de dehors entre dedans le

vide des vaisseaux ouverts: Diogène, que les fruits s'engendrent

dedans la matière sans âme, mais bien avec chaleur, d'où vient que

la chaleur naturelle, incontinent qu'il est sorti hors du ventre de

la mère, est attirée dedans les poumons: Hérophile laisse aux fruits

étant dedans le ventre, le mouvement naturel, non pas la

respiration: & de ce mouvement-là les nerfs sont la cause

instrumentale, puis ils deviennent animaux parfaits, quand étant

sortis du ventre, ils prennent un peu de haleine & d'air;
 
 

CHAPITRE XVI. Comment se nourrissent les fruits dedans le ventre.
 
 

Admirable providence de Dieu en la nourriture des enfants aux

ventres des mères.
 
 

Démocrite & Epicure tiennent, que le fruit étant encore dedans le

ventre prend nourriture par la bouche, d'où vient que soudain qu'il

est né il cherche de la bouche le bout de la mamelle, parce qu'il y

a dedans la matrice des bouts des teints, & des bouches par

lesquelles ils se nourrissent: les Stoïques, par le lict & par le

nombril: d'où vient que les sages femmes incontinents le lient & lui

ouvrent la bouche, afin qu'il s'accoutume à une autre sorte de

nourriture, Alcméon, qu'il se nourrit par tout le corps, parce qu'il

attire comme une éponge, de toute la nourriture ce qui est propre

pour le nourrir.
 
 

CHAPITRE XVII. Ce qui est parfait le premier dedans le ventre.
 
 

Opinions diverses, entrelesquelles celle des médecins est plus

reçue.
 
 

Les Stoïques, qu'en la plus part l'épine du dos se forme la

première, comme la quille de la navire: Alcméon, la tête, comme

celle qui est le siège de la raison: les médecins le c¦ur, auquel

sont les veines & les artères: les autres le gros orteil du pied:

les autres le nombril. [313]
 
 

CHAPITRE XVIII. Pourquoi est-ce que les enfants sont viables à sept mois.
 

 

Opinion des Philosophes. Opinion des médecins. Opinion des

Mathématiciens.
 
 

Empédocle dit, que lors que l'homme fut engendré de la terre, le

jour était aussi long, pour le tardif mouvement du Soleil, comme

sont aujourd'hui dix mois, & que par succession de temps il devint

aussi long comme sont aujourd'hui sept mois, & pour cette raison que

les enfants de dix mois & de sept sont viables, s'étant de la nature

du monde accoutumée à amener en un jour le fruit en la maturité,

depuis la nuit qu'il a été mis en son ventre: Timée dit, qu'il n'y a

pas dix mois, mais neuf, pour autant que les purgations menstruales

sont arrêtées dès le jour de la première conception: aussi pense-on

que les enfants soient de sept mois qui ne le sont pas, pource qu'il

y a des femmes qui ne laissent pas d'avoir leurs purgations encore

après qu'elles ont conçu: Polybius, Dioclès, les Empiriques, savent

que le huitième mois même est vital, mais un peu plus débilement,

dautant que bien souvent par imbécilité plusieurs périssent. Le

plus ordinaire est, qu'on ne veut pas élever les enfants qui

viennent à huit mois, mais que toutefois plusieurs y naissent:

Aristote & Hippocrate disent, que si dedans sept mois la matrice se

remplit, alors l'enfant demande à sortir, & lors ils sont viables,

mais que s'il se pousse en avant, & que il ne se nourrisse point

pour l'imbécilité du nombril, alors pour le grand travail & la mère

est en danger, & son fruit ne s'en nourrit point: mais il demeure

tous les neuf mois dedans la matrice, sortant alors il est tout

accompli. Polybius dit, qu'il faut que les enfants pour être

viables aient cent quatre vingt deux jours & demi, pource que c'est

l'espace de six mois, dedans lequel espace, le Soleil vient d'un

solstice à l'autre: mais on dit qu'ils sont de sept mois quand il

advient que les jours qui défaillent au premier mois se reprennent

sur le septième, & que les enfants de huit mois ne vivent point

quand ils penchent hors de la matrice, & que le nombril est trop

tendu, car il ne se nourrit point, comme celui qui est cause de

l'aliment. Les Mathématiciens tiennent qu'il y a huit mois qui sont

insociables de toute génération, & sept qui sont sociables.. Or les

signes insociables sont, s'ils ont les astres dont ils sont les

domiciles: car si en aucuns d'iceux échoit le sort de la vie de

l'homme, cela signifie qu'il sera mal-heureux & de courte vie: & les

animaux aux signes insociables sont qui se content les huitièmes,

comme le Mouton au Scorpion est insociable, le Taureau avec

l'Archer, les Jumeaux avec [314] le Capricorne, le Cancre, avec le

Verseau, le Lion, avec les Poissons, la Vierge avec le Mouton: &

pour cette raison que les enfants à sept mois & à dix huit mois sont

viables & qu'à huit mois, à raison de la dissociation incompagnable

du monde, ils périssent.
 
 

CHAPITRE XIX. De la génération des animaux, comment ils ont été engendrés, & ils sont corruptibles.
 
 

Les animaux ont été créés, & périssables.
 
 

Ceux qui tiennent que le monde est créé, tiennent aussi que les

animaux ont été créés, & qu'il sont périssables. Les Epicuriens,

selon lesquels les animaux n'ont point été créés, tiennent que la de

mutation les uns aux autres ont été engendrés les animaux, car ce

sont parties de ce monde, comme Anaxagore & Euripide disent, Rien ne

meurt, mais changeant d'un en autre, ils montrent tantôt une forme,

& tantôt une autre. Anaximandre tient que les premiers animaux

furent engendrée en humeurs environnés d'écorces épineuses, mais

avec l'âge ils devinrent plus secs, & finalement l'écorce étant

rompue tout à l'entour, ils survécurent peu de temps après,

Empédocle que les premières générations des animaux & des plantes ne

furent point toutes entières & parfaires, ains déjointes, parce que

les parties ne s'entretenaient point: que les secondes générations,

les parties commençant à se joindre, furent semblables à des images:

les tierces qui naissaient les unes des autres: les quartes, non

plus de semblables, comme de terre & d'eau, mais bien

d'entr'eux-mêmes, aux uns leur nourriture étant épaissie, aux autres

la beauté des femmes les excitant à un mouvement spermatique: au

demeurant, que les genres de tous animaux ont été divisés par

certaines températures. Les uns eurent leur inclination plus à

l'eau: les autres respirèrent en l'air, selon qu'ils tindrent plus

de la nature du feu: les autres de température plus grave le

posèrent en terre: les autres de température égale de tous éléments,

jetèrent voix de toute leur poitrine.
 
 

CHAPITRE XX. Combien il y a de genres d'animaux, & s'ils sont tous sensitifs, & ayant usage de raison.
 
 

Quatre genres d'animaux. Du sens & raison des animaux;
 
 

Il y a un traité d'Aristote où il dit, qu'il y a quatre genres

d'animaux, terrestres, aquatiques, volatiles, & célestes: car il

appelle les cieux, les astres, & le monde, animaux, & Dieu animal

raisonnable immortel. Anaxagore, que tous les [315] animaux ont

raison active: Démocrite, Epicure que les célestes sont immortels,

mais qu'il n'ont point l'entendement passif, qu'on appelle le

truchement de la pensée. Pythagore, Platon, que les âmes des

animaux mêmes qu'on appelle irraisonnables, sont bien raisonnables,

mais toutefois qu'elles ne peuvent opérer raisonnablement, à cause

de l'intempérée composition de leur corps, & dautant qu'ils n'ont

point la parole pour s'expliquer, comme on voit és singes & és

chiens, lesquels ont bien quelque voix, mais ils n'ont point de

langage & de paroles distinctes. Diogène, qu'ils ont bien quelque

entendement, mais que pour la grossesse & épaisseur de leur

tempérament, & pour l'abondance de leur humidité, ils n'ont ni

discours de raison ni sentiment, ni plus ni moins que ceux qui sont

furieux, parce qu'ils ont le cerveau blessé, & l'usage de raison

empêché.
 
 

CHAPITRE XXI. En combien de temps se forment les animaux dedans le ventre de la mère.
 
 

Du temps de la formation des mâles & femelles.
 
 

Empédocle, que les hommes commencent à se former depuis le

trentesixième, & qu'ils se parachèvent de toutes les parties dedans

le cinquantième, il ne s'en faut qu'un. Asclépiade, qu'és mâles,

dautant qu'ils sont plus chauds, la formation des membres se fait

dès le vingt & sixième jour, & que plusieurs se parachèvent de

toutes leurs parties dedans le cinquantième jour: mais aux femelles

elles se forment en deux mois, & se parachèvent en quatre, dautant

qu'elles ont faute de chaleur naturelle, mais que les parties des

animaux irraisonnables se parachèvent entièrement selon les

températures des éléments.
 
 

CHAPITRE XXII. De combien d'éléments se composent chacune des parties générales qui sont en nous.
 
 

La chair, les nerfs, les ongles, & les os comment engendrés.
 
 

Empédocle estime que la chair s'engendre de la mixture & température

du dedans des quatre éléments: les nerfs du feu & de la terre mêlés

en double proportion: & que les ongles s'engendrent és animaux par

les nerfs refroidis à l'endroit où l'air les touche: les os de l'eau

& du dedans de la terre: & de ces quatre mêlés & contempérés

ensemble, la sueur & les larmes se font. [316]
 
 

CHAPITRE XXIII. Comment se font le sommeil, & la mort: si c'est de l'âme ou du corps.
 
 

Les uns l'attribuent à la retraite du sang, les autres au

refroidissement de la chaleur naturelle, les autres à la résolution

de l'esprit sensitif.
 
 

Alcméon dit, que le sommeil se fait par le sang qui se retire au

dedans des veines confluentes, & que le réveil est la diffusion du

sang: que la retraite entière est la mort. Empédocle, que le

sommeil se fait par le refroidissement médiocre de la chaleur

naturelle qui est en nous, & que le refroidissement entier est la

mort. Diogène, si le sang se répand par tout, & qu'emplissant les

veines il repousse l'air qui est en nous, en l'estomac & au ventre

inférieur, il s'engendre sommeil, & alors l'estomac est plus chaud:

mais si tout ce qui est de substance aérée vient à défaillir dans

les veines, alors c'est la mort. Platon & les Stoïques, que le

sommeil se fait par rémission de l'esprit sensitif, non point par

abaissement, & descente vers la terre, ains par élévation

contre-mont vers l'endroit où est le siège de la raison: mais quand

il se fait entière résolution de l'esprit sensitif, alors de tout

point s'ensuit la mort.
 
 

CHAPITRE XXIV. Quand & comment est-ce que l'homme commence à atteindre sa perfection.
 
 

Environ les quatorze ans, selon l'avis d'Héraclite & des Stoïques.
 
 

Héraclite & les Stoïques, que les hommes commencent à entrer en leur

perfection environ la seconde septaine de leurs ans auquel temps la

semence commence à couler: car les arbres mêmes commencent lors à

entrer en leur perfection, quand ils commencent à engendrer leur

semence: & au contraire, ils sont imparfaits, tant qu'ils sont non

murs & sans fruit parquoi l'homme aussi alors est parfait, là où

environ la seconde septaine il commence à comprendre que c'est de

bien & de mal, & de la doctrine d'iceux.
 
 

CHAPITRE XXV. Lequel des deux est-ce qui dort, ou qui meurt, l'âme ou le corps.
 
 

Divers avis sur le dormir: mais quant à la mort, le corps seul

meurt, l'âme est immortelle.
 
 

Aristote tient, que le dormir est commun à l'âme & au corps: & est

le sommeil certaine humidité, qui évapore de l'estomac & de la

viande à la tête, & à la chaleur na- [317] turelle qui est au c¦ur

rafraichie, & que la mort est un total & entier refroidissement: &

que la mort n'est que du corps tant seulement, non pas de l'âme, car

d'elle elle est immortelle. Anaxagore, que le sommeil est de

l'action corporelle, car c'est affection du corps, non pas de l'âme,

& qu'il y a aussi bien mort de l'âme, à savoir la séparation d'avec

elle & du corps. Leucippe que le sommeil appartient au corps seul

par concrétion de ce qui est subtil & délié, mais que l'excrétion

excessive de la chaleur naturelle est la mort, qui sont passions du

corps, & non pas de l'âme. Empédocle, que la mort est une

séparation des éléments dont le corps de l'homme est composé,

tellement que selon cela, la mort est commune autant au corps comme

à l'âme, & que le sommeil est une séparation de ce qui est de nature

de feu.
 
 

CHAPITRE XXVI. Comment sont venus à croissance les plantes, & les animaux.
 
 

De la vie des plantes, & comme elle est considérée par les

Philosophes.
 
 

Platon, Empédocle, tiennent que les plantes mêmes sont animaux, ce

qu'ils disent être manifeste, parce qu'ils se croulent, & qu'ils ont

les branches étenduées & quand on les plie ils cèdent, puis quand on

les lâche ils s'en retournent. Aristote tient bien qu'ils sont

animés, mais non pas pourtant animaux, à cause que les animaux ont

mouvement, & aucuns sentiment & discours de la raison. Les Stoïques

& les Epicuriens, qu'ils n'ont point d'âme, car ceux qui ont âme, ou

elle est apétitive & concupiscible, ou elle est raisonnable, mais

que les plantes sont crues casuellement & fortuitement, non point

par le moyen de l'âme. Empédocle dit, que les arbres premiers que

les animaux saillirent de la terre, devant que le Soleil fût

déployé: & devant que le jour & la nuit fussent séparés: & que par

la proportion de la température l'un eu le nom de mâle, & l'autre de

femelle, & qu'ils croissent par la force de la chaleur qui est

dedans la terre, de manière que ce sont parties de la terre, ni plus

ni moins que les fruits du ventre des mères sont parties de la

matrice: & que les fruits sont les superfluités de l'eau & du feu

qui est dedans les arbres: & que ceux qui en ont faute, quand il est

desséché par la chaleur de l'été, perdant leurs feuilles, mais qu'en

la plus part elles demeurent, comme celles du laurier, celles de

l'olivier, celles du palmier: & que les différentes jus & saveurs

procèdent de la diversité de ce [318] qui les nourrit, comme és

vignes, car la différence d'icelles ne fait pas le vin bon à user,

mais du terroir qui les nourrit.
 
 

CHAPITRE XXVII. De la nourriture & accroissement.
 
 

Animaux comment se nourrissent & croissent.
 
 

Empédocle, que les animaux se nourrissent par la substance de

l'aliment qui leur est propre & qu'ils croissent par la présence de

la chaleur: qu'ils diminuent, & se corrompent par faute de l'un & de

l'autre, & que les hommes de maintenant, comparés aux anciens, sont

comme enfants venant de naître.
 
 

CHAPITRE XXVIII. D'où viennent les apétits & les voluptés aux animaux.
 
 

Résolution imparfaite d'Empédocle.
 
 

Empédocle, que les appétits & cupidités viennent aux animaux par

défaut des éléments qui les composent, & les voluptés de l'humidité,

& les mouvements de périls & autres choses semblables, les

empêchements, &.*
 
 

CHAPITRE XXIX. Comment se fait la fièvre, & si c'est un accessoire d'autre mal.
 
 

Que c'est de la fièvre selon Erasistrate & Dioclès.
 
 

Erasistrate définit la fièvre ainsi: La fièvre est un mouvement de

sang qui vient à tomber dedans les vaisseaux des esprits, qui sont

les artères, contre la volonté du patient. Car tout ainsi come la

mer, quand les vents ne la meuvent point ne bouge, mais quand un

vent impétueux la vient à remuer, alors contre sa nature elle se

remue & renverse jusqu'au fond: aussi au corps de l'homme, pendant

que le sang est ému, il tombe dedans les vaisseaux des esprits &

s'enflammant il échauffe tout le demeurant du corps: & lui plait que

la fièvre soit un sur accessoire. Mais Dioclès dit: Ce qui apparaît

au dehors est indice de ce qui est caché au dedans. Or voit-on que

la fièvre survient aux accidents qui adviennent dehors, comme aux

blessures, aux apostumes (30), & aux bosses.
 
 

CHAPITRE XXX. De la santé, maladie & vieillesse.
 
 

Santé comment entretenue. D'où viennent les maladies. D'où vient

la vieillesse, & pourquoi les peuples du Midi vieillissent plus tôt

que ceux du Septentrion.
 
 

Alcméon tient, que l'égalité des facultés du corps humain, comme de

l'humidité, du chaud, du sec, du froid, de l'amer, du doux, & des

autres, conserve & contient la santé: & qu'au contraire la

monarchie, c'est à dire, prédomination d'aucun d'iceux, fait la

maladie: car celle prédomination & principauté apporte corruption

des autres, & est cause des maladies, comme quand la chaleur ou la

froideur y est excessive pour la quantité trop grande, ou le défaut,

comme en aucuns le sang défaut ou le cerveau: & que la santé est une

proportionnée température de toutes les qualités. Dioclès dit, que

la plus part des maladies au corps humain procède de l'inégalité des

éléments, & de la température: Erasistrate, pour la quantité trop

grande de la nourriture & de l'indigestion & corruption: mais que le

bon ordre & la suffisance est la santé. Les Stoïques conformément

tiennent, que la vieillesse advient à cause de la faute de chaleur,

car ceux qui en ont plus, sont ceux qui vieillissent plus

longuement. Asclépiade dit que les Ethiopiens vieillissent bien tôt

à l'âge de trente ans, pource que leurs corps sont trop brûlés de la

chaleur du Soleil: & qu'en l'Angleterre les hommes y vieillissent

jusques à six vingt ans, dautant que ces lieux y sont froids: au

moyen dequoi ils contiennent au dedans la chaleur naturelle: car les

corps des Ethiopiens y sont plus rares, dautant qu'ils sont lâchés

par la chaleur du Soleil: & au contraire, les corps des hommes qui

sont vers le Septentrion, sont plus serrés, & pour cette cause, ils

vivent plus longtemps.
 
 
 
 

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NOTES, par E. Dubreucq

 
 

1 C'est-à-dire de l'école fondée par Aristote, bien entendu. Retour

2 Jean-Paul Dumont Préface à l'édition des Présocratiques de la Pléiade, p. XXIII (tirage de 1988). Retour

3 souloir: avoir coutume de. Retour

4 espreindre: serrer, presser quelque chose pour en tirer le suc, en exprimer le jus. Retour

5 espreindre: serrer, presser quelque chose pour en irer le suc, en exprimer le jus. Retour

6 oiseuse: qui demeure sans rien faire, fainéant. Retour

7: participe présent du verbe issir. On s'en sert pour signifier Venu, descendu d'une personne ou d'une race. Retour

8 estouper, boucher avec de l'étoupe ou avec quelque autre chose de semblable. Retour

9 sion, ou scion, ou cion, petit brin, petit rejeton tendre et pliable d'un arbre. Retour

10 eveus, ou eveis, evis, évage, aquatique, pluvieux, marécageux. Retour

11 cornes, élipse pour tuniques cornées. Retour

12 segréger, forme de secréter (?). Retour

13 tabourin,ou tambourin. Retour

14 estreindre, serrer, presser, tenir rudement,obliger, forcer. Retour

15 aix ou ais, planche de bois, planchette dont se sert un relieur, table de travail du boucher. Retour

16 espreindre, exprimer par ex. le jus d'un fruit. Retour

17 ja, cependant, néanmoins. Retour

18 Je corrige le texte visiblement fautif de l'édition.

19 naulage ou nol, affrêtement, fret. Retour

20 issant, participe présent du verbe issir, sortir, provenir de. Retour

21 Sale, pièce principale d'une habitation, lieu, siège. Retour

22 espreindre, exprimer, par ex. le jus d'un fruit. Retour

23 refundre ou refondre, enfoncer, se répandre, verser. Retour

24 transfundre, s'épandre à travers. Retour

25 atraire, attirer, amener (cf.attraction). Retour

26 Je corrige.

27 issir, venir, procéder de. Retour

28 Je corrige Retour

29 Je corrige Retour

30 apostume, enflure extérieure avec putréfaction. Retour
 
 

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